La fille parfaite. Nathalie Azoulai

« Pourquoi est-ce qu’ Adèle Prinker avec ses médailles, sa gloire, sa blondeur, tous les signes apparents du bonheur, pourquoi Adèle Prinker s’était-elle donc pendue chez elle un beau matin de juin à l’âge de quarante-six ans ? » Voilà le postulat de départ, intriguant, je m’attendais donc à un récit haletant et finalement j’ai trouvé le rythme lent.

Le récit est mené par l’amie restée en vie, Rachel. Dans ce récit d’une amitié fusionnelle, la relation entre Rachel et Adèle est au centre de l’histoire, elles sont à la fois contraires et complémentaires. Rachel Deville et Adèle Prinker sont deux très grandes amies mais elles choisissent après le lycée deux voies opposées : l’une fera des études de lettres et l’autre de mathématiques. Cette orientation est en grande partie déterminée par leurs familles, les Deville sont de grands bourgeois, héritiers des salons littéraires. Les Prinker sont issus d’un milieu social plus modeste et estiment que seule la science permet une ascension. J’ai trouvé que l’opposition math-lettres était surannée, ça m’a parfois dérangé et ennuyé. La narration suit donc le parcours de ces jeunes femmes, parcours professionnel et amical. J’ai aimé leur relation fusionnelle mais j’ai aimé aussi quand l’amitié est en pause, il y a des grandes périodes de silence complet entre les deux amies et puis leur relation reprend. J’aurais aimé comprendre davantage pourquoi il y a des pauses. Très vite on comprend que la relation est aussi une relation de concurrence, de compétition. Elles sont brillantes toutes les deux mais la réussite ne se manifeste pas de la même manière en littérature et en mathématiques. Adèle rêve de médailles pour ses recherches et de publication. J’ai trouvé la construction de l’histoire très confuse. On parle de leur parcours professionnel, personnel, amical… il est aussi question de suicide et de réussite. En effet le roman débute ainsi « Adèle pendue comme un homme ». Et puis il y a aussi cette opposition continuelle dans tout le récit entre les mathématiques et la littérature, le masculin et le féminin. Comme si cela pouvait avoir un lien… j’ai trouvé cela désuet. Finalement c’est Adèle qui se construit une famille, mais se tuerait-elle d’être le fils qu’elle aurait dû être ? Et pourtant « la fille parfaite », c’est elle puisqu’elle a choisit les mathématiques, les sciences, la rigueur, la précision, la certitude par opposition aux lettres plus artistique. Bref vous l’aurez compris, je ne suis guère enthousiasmé par ce roman que j’ai trouvé trop confus pour moi, pas assez linéaire et surtout la relation entre les deux protagonistes trop réduite à l’opposition math-lettres.

Les femmes n’ont pas d’histoire. Amy Jo Burns

Contrairement au bandeau annonçant un roman « époustouflant », j’ai bien aimé mais ce roman ne me laissera pas un souvenir éternel. Néanmoins à la fin de cette lecture, j’ai plein de réflexion en tête sur les secrets de famille, les non-dits et tout ce qui construit implicitement nos personnalités. Je pense que c’est un roman qui me laissera des traces de réflexion mais dont je vais rapidement oubliée une partie de l’intrigue. L’écriture est belle, elle emporte et c’est une autrice dont je suivrai les publications (c’est son premier roman).

Le roman se déroule dans la région des Appalaches, vaste chaîne de montagnes en Amérique du Nord. Dans cette région minière, la vie est difficile et rude, c’est un pays d’hommes mais des hommes déchus, les lois sont réglées par l’alcool de contrebande (le moonshine) ou la religion. Les femmes sont au second plan. Ce roman met en scène Ivy et Ruby, deux amies inséparables. Elles grandissent et vivent dans cette nature sauvage mais leur destin semble tout tracé. La narration se concentre sur Ruby, la jeune héroine. Elle a épousé un manipulateur de serpents (une croyance religieuse bien ancrée et très singulière) et essaie tant bien que mal de vivre sa vie de recluse. Entourée de quelques femmes fortes mais résignées comme sa meilleure amie Ivy, elle nous conte son désir d’émancipation, de liberté au-delà de ces montagnes hostiles jusqu’au jour où un accident arrive. L’atmosphère est pesante, il y a un étrange mélange de magie noire, de croyance et de superstitions, la vie ressemble à une damnation et la construction du récit n’aide pas à voir de la lumière. La narration alterne entre l’histoire des deux amies adultes, adolescentes et puis à un moment on suit un autre point de vue, celui de l’amoureux éconduit. Cette structure m’a déstabilisée, j’ai trouvé des passages confus voire oppressants; je me perdais dans cette narration hachée. Et pourtant la lutte de ces femmes, Ivy et Ruby, puis celle de sa fille Wren, la lutte de ses deux générations pour se créer une histoire est sûrement passionnante. Le choix narratif ne m’a pas convenu et j’ai sans doute perdu une part de l’histoire.

Malgré cette noirceur, il y a la sororité à retenir. Ivy et Ruby se soutiennent, se tiennent autant qu’elles le peuvent, animée chacune par le désir de vivre différemment « Avant cette nuit-là dans la Silverado, Ivy était convaincue que la vérité n’était pas difficile à dire. il était plus dur de vivre un mensonge, et les mensonges, c’était tout ce que connaissaient les femmes de sa montagne – comment se soumettre à leurs maris, avaler leur vomi et leur servir une deuxième part de gâteau le dimanche après-midi. Elle jurait qu’elle n’en ferait jamais partie, pas plus que Ruby. Mais désormais, le monde s’était révélé dans toute sa cruauté. Recroquevillée dans le placard de son amie, Ivy redouta que ce mensonge soit tout ce qu’il lui restait. » (p. 252)

Mémoires de la forêt. Mickaël Brun-Arnaud

Il va m’être dur de parler de ce roman que j’ai adoré. Offert à mon fils, ma mère m’a conseillé de le lire avant car elle ne réalisait pas vraiment si cela lui était adapté et s’il était assez mature pour le lire. Je l’ai lu avec beaucoup de plaisir et je le recommande aux adultes et aux jeunes adolescents ! C’est un roman subtil qui évoque avec délicatesse la maladie d’Alzhmeir et plus largement la vieillesse et la mémoire.

Dans la forêt de Bellécorce, vit Archibald Renard. C’est le libraire. Chaque animal vient déposer son livre. Chaque livre est unique. Le jour où Ferdinand Taupe entre au ceux du chêne de Renard va changer le cours de la vie d’Archibald. Ferdinand Taupe cherche un ouvrage, celui qu’il a écrit. Il le cherche car ses souvenirs fuient. Il en a besoin afin de se rappeler des choses qu’il a faite, des gens qu’il a aimés. Malheureusement Archilbald a vendu cet ouvrage et il ne se souvient plus à qui. Ferdinand Taupe lui explique alors l’importance de ces mémoires : « J’ai retrouvé chez moi un papier qui mentionnait un rendez-vous avec le docteur Hibou auquel je ne me souviens pas m’être rendu, et c’est la maladie de l’Oublie-Tout, celle qui vient et qui prend tout, des souvenirs les plus flous aux baisers les plus doux. » (p. 35). C’est alors qu’aidés de vieilles photographies et de bribes de souvenirs, Archibald et Ferdinand vont prendre les chemins forestiers pour essayer de retrouver l’histoire de Ferdinand et surtout savoir ce qui est arrivé à Maude, l’épouse de Ferdinand Taupe. Ce périple est donc aussi une enquête, ils vont alors échanger avec Pétunia Marmotte dans son salon de thé, ils assisteront au concert de Duchêne le Hibou, puis ils rencontreront le postier Brisevent la mésange et feront une longue halte chez Elisabeth la Poule à La retraite des Plumes d’Elisabeth. Chaque animal est touchant, ils ont tous connus Maude et chacun contribue à la quête du vieil animal. Petit à petit Archibald et Ferdinand vont apprendre ce qu’il s’est passé plusieurs années auparavant.

La manière dont Mickaël Brun-Arnaud raconte cela est très touchante, il n’y a rien de dramatique dans ce récit, au contraire c’est subtil et doux, l’histoire est pleine de charme et de tendresse. On comprend la perte de repères qu’entraîne la perte de la mémoire mais aussi le sentiment d’angoisse qui en découle. Il raconte le décalage entre les temporalités de cette petite Taupe qui passe du présent au passé. La petite Taupe est accompagnée de son ami le libraire permet aussi à l’auteur d’évoquer l’impact sur l’entourage. « Accompagner quelqu’un atteint de la maladie de l’Oublie-Tout, c’est accepterd’apprendre à prendre le temps; celui de laisser faire même quand ‘l’autre échoue, prendre le temps de tout dire et montrer pour ne jamais surprendre, prendre le temps d’expliquer sans jamais poser des questions auxquelles l’animal malade ne saurait répondre. » (p. 288) A de nombreuses reprises Archilbald Renard est déstabilisé par les questions ou l’agressivité de Ferdinand, et puis peu à peu il arrive à mieux gérer les émotions de son compagnon et à la fois à l’entourer et à l’accompagner dans ses questionnements. C’est un roman qui aborde avec beaucoup de bienveillance la question de la maladie mais aussi l’amitié. J’ai trouvé ce roman très émouvant et j’ai versé quelques larmes notamment sur ces pages : « Quand on accompagne son papa atteint de la maladie de l’Oublie-Tout […] ça veut dire qu’on accepte de perdre ce qu’il représentait pour nous, c’est perdre beaucoup : l’histoire qui rassure avant de s’endormir, le baiser sur l’écorchure après la chute, la promesse que tout ira pour le mieux. » :>

Mon fils aîné ne l’a pas encore lu (le petit attendra quelques années), en revanche (c’était un cadeau commun à Noël) il m’a demandé si je pensais qu’il pourrait le lire, je lui ai donc déjà expliqué le sujet et on a parlé de la maladie de la mémoire et de la perte de la mémoire plus généralement quand on vieillit. Il est intrigué. Il lira bientôt le roman, j’ai hâte d’avoir cet échange avec lui :>

Cent millions d’années et jour. Jean-Baptiste Andrea

Voilà j’ai lu pour la première fois Jean-Baptiste Andrea. J’ai sur mes étagères le prix Goncourt mais j’avais envie de découvrir cet auteur dont j’ai lu tant d’avis positif par un autre livre. Mes parents m’ont offert celui-ci. Au départ j’ai eu un peu de mal, j’avais du mal à accrocher. Je redoutais de ne pas aimer et puis après ce démarrage un lent, soudain j’ai trouvé que le roman s’illumine, qu’il scintille à l’image de cette glace que les hommes vont creuser et qu’une forme de grâce émane d’eux. Et puis l’écriture a quelque chose de poétique, d’absolu et de pure.

Stan, paléontologue, à un rêve obsédant depuis son enfance lié à une histoire « Quand les adultes n’étaient pas là, le vieux concierge réunissait les enfants de l’immeuble, les encerclait dans la lumière de l’unique ampoule de la cave et racontait des histoires. La plus appréciée de cette société secrète aux dents de lait, c’était celle de son dragon. » (p.44) Dans une grotte, au fond d’une glacier le vieux concierge a vu par une nuit d’orage un dragon. Depuis Stan rêve de trouver ce monstre. A l’aube de la cinquantaine, il réunit une équipe et débute l’ascension. Quel plaisir de lire ces pages sur l’ascension, le froid qui enserre, la solitude, l’humilité face à la montagne mais je trouve chez ces hommes un côté héroïque modeste, quelque chose de touchant. C’est aussi un roman sur l’amitié, ces hommes sont unis dans leur recherche et dans cette quête immense.

J’ai aimé Stan pour ce rêve d’enfant qu’il veut assouvir comme si on n’avait pas le droit de trahir l’enfant qu’on était, la force des forces est plus forte que tout, quitte à tout perdre. « Ma tristesse vient de plus loins. Elle vient du gamin, qui, un jour, décida de devenir paléontologue. Pas par goût de l’aventure. […] Non, on devient paléontologue parce qu’on aime les histoires. Pour en raconter, à soi et aux autres. » (p. 128) Et puis derrière, il y a aussi des souvenirs d’enfance, des brides disséminées au gré des chapitres.

J’apprécie les récits de montagne, ces huis-clos avec la nature, on y trouve la détermination et un côté absolu. J’ai aimé être embarqué dans cette montagne. J’ai beaucoup pensé à Premier de cordée de Frison Roche par son aspect majestueux et cette acceptation que la montagne soit plus forte, plus grande

Les Intéressants. Meg Wolitzer

Dernière lecture de l’été… elle était parfaitement raconté avec la fin des vacances puisque le roman débute en été. Jules, une adolescente un peu perdue, qui vient de perdre son père, passe son été dans un camp de vacances, Spirit-in-the-Wood. Très vite, elle se forme un petit groupe d’amis, ils sont cinq (le musicien Jonah, le passionné de film Ethan, le charismatique Goodman et sa soeur, la belle et parfaite Ash), ils se donnent comme nom « les Intéressants ». Julie (qui prend comme nom Jules) est fascinée par ses ami(e)s qui ont toujours l’air doué, cultivé, beau… Jules est celle qui se cherche, celle qui doute, qui se questionne sans cesse. De cette amitié de colonie de vacances, naîtra une amitié à vie. C’est l’été des amitiés solides. Le roman suit alors le parcours de chacun de ces adolescents durant quarante ans. On y voit les rêves de jeunesse s’accomplir, les aspirations de chacun mais aussi l’adulte que chacun devient, trahissant parfois ses rêves d’adolescents.

J’ai beaucoup aimé l’ambiance des premiers chapitres, le camp de vacances de Spirit-in-the-wood semble le lieu où tout est possible, c’est un camp où les activités artistiques sont mises en valeur et dans lequel la créativité de chacun mise en valeur. C’est un été plein de promesses et de douceurs pour le petit groupe. Ensuite le groupe se sépare et la narration suit chacun des personnages pour raconter leur vie. Aah et Jules restent extrêmement proches et se voient très régulièrement même si leur vie sont radicalement différentes. Le roman aborde de nombreux thèmes tout au long de ces trajectoires : il y est question de loyauté et de fidélité, du sida, de la réussite professionnelle mais également du rôle des parents et de celui du conjoint… le tout avec une fresque historique en toile de fond puisque le roman évoque la chute de Nixon, les attentats du 11 septembre. Il y a beaucoup de choses dans ce roman à la tonalité parfois nostalgique. J’ai bien aimé ce roman, roman idéal quand on ne veut pas avoir une lecture exigeante. J’ai trouvé parfois quelques longueurs mais dans l’ensemble, c’est un roman agréable à lire. Le rythme est maintenu tout au long des 800 pages et on s’attache à ces adolescents.

Le Bagnard de l’Opéra. Alexandre Dumas

Le Bagnard, c’est le héros de ce roman : Gabriel Lambert, un forçat du bagne de Toulon, qu’Alexandre Dumas croise mais ce visage lui rappelle quelqu’un. Il faut qu’il parvienne à mettre un nom sur ce visage. Serait-ce ce dandy, cet élégant vicomte aperçu jadis au balcon de l’opéra de Paris et qui avait affronté en duel son ami ? A partir de cette rencontre, Alexandre Dumas raconte de cet homme, à la fois ambitieux , espiègle et craintif.

Gabriel Lambert a une personnalité difficile à cerner : tantôt timide fragile et peu assuré, il prend de l’assurance lors de son apprentissage. Mais il veut réussir sans travailler, il est ambitieux et fait usage de faux afin de devenir le méprisant Vicomte Henry de Faverne avant de finir peureux face au bagne et à la mort : « le condamné était connu pour son excessive lâcheté » (p. 199). Tout est dans le titre. L’antithèse relève cette personnalité contradictoire: l’Opéra, lieu du luxe, lieu des dandys parisiens, lieu de l’apparence et puis le bagne, les condamnés, les chaînes, les travaux forcés, les cachots lugubres et la mort qui rôde.

Alexandre Dumas, passionné de théâtre, a le goût du dialogue, ils sont nombreux et dynamisent grandement le récit. Mais ils permettent aussi de donner une humanité à chacun des personnages même s’ils sont secondaires. Alexandre Dumas donne une personnalité à chacun d’entre eux soit par le biais d’un accent, d’un surnom, d’une âme (je pense au père de Gabriel Lambert qui est très touchant ou encore à Marie). Bien que le récit soit court, il est assez foissonant et l’intrigue est complexe. Alexandre Dumas est lui-même le narrateur des premiers chapitres et des derniers, il laisse ensuite la narration au docteur Fabien. Les récits imbriqués les uns dans les autres donnent de la force au récit et permettent d’avoir le point de vue de Dumas lui-même. J’ai trouvé aussi que les thèmes abordés étaient très intéressants : la question du faussaire mais surtout il y a une réflexion sur la condamnation à mort et « cette chose infâme qu’on appelle le bagne » (p. 19). Même si Alexandre Dumas ne se positionne pas réellement, il parle de cette question, il soulève une réflexion plus qu’il ne donne son avis. Amateur d’histoire, on croise Vidocq, le chef de police ancien forçat mais aussi le roi Charles X. C’est, certes un court récit de Dumas, mais une grande histoire.

L’arbre qui chante. Bernard Clavel

Recueil de trois nouvelles de Bernard Clavel qu’on pourrait résumer en trois mots : douceur, poésie et nature. J’ai beaucoup aimé l’écriture de Bernard Clavel : il y a de la poésie dans ses phrases, de la tendresse, de l’humanité dans ses personnages et de la simplicité dans ses histoires.

« C’était un matin de janvier. Un de ces beaux matins blancs qui ont du givre à leurs moustaches et des yeux pétillants de soleil. » Tout est dit dans cette phrase métaphorique que je trouve magnifique, je vois les montagnes, la neige, le froid et les montagnards solides et sensibles. Il s’agit du début de la première nouvelle, celle qui donne son titre au recueil.

Le chien des Laurentides est la seconde nouvelle, celle que j’ai trouvé la moins enchanteresse, celle qui m’a la moins convaincue et pourtant il y est question d’une amitié indéfectible mais je ne sais pas la première nouvelle était poétique, la dernière plus militante, la seconde m’a paru un peu inférieure (ce n’est que mon avis, et j’ai pris plaisir à la lire).

Dans la troisième nouvelle « La maison du canard bleu » écrite en 1971, il y est question d’un vieux monsieur un peu étrange mais il s’avère être un protecteur de la nature et un défenseur des animaux : « Les gens considèrent que tout ces animaux-là sont inutiles, ils ont tort. Il n’y a pas un seul animal inutile sur notre terre. Il y a un belle équilibre de la nature, et si les hommes détruisent certains animaux, cet équilibre sera rompu. » Cet homme va être exproprié, son terrain et ses bois vendus à des agents immobiliers.

La nature et son respect, les liens familiaux, l’amitié, l’entraide sont au coeur des trois nouvelles. J’ai trouvé la langue riche, exigeante et gracieuse. Clavel s’adresse à un public jeune mais il n’en appauvrit pas pour autant le style, le vocabulaire est recherché, parfois désuet mais cela apporte du charme à ces récits.

C’est un recueil qui rejoindra le fond de ma classe, idéal pour de jeunes lecteurs en 6e (même avant pour de bons lecteurs), moi je pense surtout à mes 6e jardin) mais on pourrait aussi l’aborder en 5e avec le thème de l’homme et la nature.

Violette Hurlevent et le jardin sauvage. Paul Martin, J. B Bourgois

Allez, il n’est pas encore trop tard pour parler de cette lecture qui m’a accompagnée pendant les derniers jours de décembre. « Le jardin était figé. Oublié depuis bien longtemps. » Violette Hurlevent entre dans ce jardin le jour où elle doit échapper de toute urgence de la maison de sa mère. Elle découvre alors des créatures étranges et un univers immense qui a sa propre temporalité et ses propres règles. Les loups parlent, les cailloux aussi… Mais dans ce magnifique jardin, les périls sont nombreux. Avec son chien Pavel, qui devient son destrier d’aventure, Violette va devoir affronter plusieurs menaces et celle en particulier de la Grande Tempête.

Ce récit est ponctué de magnifiques illustrations qui plongent le lecteur dans un univers poétique, magique et merveilleux. C’est un vrai conte initiatique, Violette apprend, elle devient plus forte et les dangers du jardin sauvage lui donnent la force d’affronter ceux de sa vie réelle. Je me suis laissée facilement entraînée dans ce monde imaginaire pour suivre les aventures de Violette au coeur de la nature. Ce roman n’est pas seulement un roman d’aventures, c’est aussi une réflexion sur le pouvoir de l’imagination contre les épreuves de la vie. J’ai pensé au Minimoys, à Alice au pays des merveilles, à Tobie Lolness de Timothée de Fombelle… c’est un mélange de tous ces contes et en lisant ce récit on retrouve son âme d’enfant.

Même si j’ai été enthousiasmée et portée par la beauté de la narration associée aux dessins, je dois reconnaître que j’ai trouvé qu’il y avait parfois des longueurs. Il existe un tome 2, Violette Hurlevent et les fantômes du jardin, si j’avais je le croise à la bibliothèque, je pense que je céderai tant Violette est attachante.

Tobie Lolness. Timothée de Fombelle

Tobie Lolness – Timothée de Fombelle (Folio Junior)

Je crois que je vais avoir du mal à parler de ce roman parce que je n’arrive pas à savoir ce que j’en ai pensé. Eh oui bizarre… d’un côté j’ai beaucoup apprécié le récit d’aventures, d’un autre côté j’ai parfois eu du mal à m’immerger dans ce monde imaginaire.

Tobie Lolness est un petit garçon d’un millimètre et demi. Il vit parmi les branches mais voilà qu’il est traqué par les siens. Son peuple qui habite le grand chêne depuis des décennies le poursuit parce que son père a refusé de livrer le secret d’une invention révolutionnaire. Tobie a réussi à s’échapper mais il va devoir affronter de multiples aventures pour survivre mais aussi pour grandir. Car Tobie Lolness est à la fois un roman d’aventures mais aussi un roman initiatique.

La bande de Jo Mitch le poursuit inlassablement, il n’a que peu d’amis mais est prêt à tout pour aider ses parents mais aussi pour les beaux yeux d’Elisha. L’intrigue est subtilement menée et alterne entre présent et passé. Alors dans ce roman d’aventures, on circule entre le monde des Cimes, celui des Basses-Branches ou encore celui de l’herbe, Tobie affronte les saisons et notamment l’hiver avec la neige qui recouvre les arbres et comble les cachettes. Au sein de ses aventures, se mêle de la poésie et un hymne à l’amitié et aux valeurs familiales. Mais cette histoire d’arbre est aussi une réflexion écologique intéressante. Les métaphores font réfléchir à notre monde, à la question changement climatique, à la faune des arbres, aux différences sociales, aux autoritarismes ou encore à la question des frontière. Tobie incarne un héros courageux, positif, vif d’esprit et curieux. Il a le sens des responsabilités également, beaucoup de qualités pour sa petite taille. Ce roman a indéniablement beaucoup de qualités, et j’aurai adoré le lire enfant (je n’ai pas parlé des illustrations de François Place, elles sont merveilleuses). D’ailleurs je pense que je vais tenter de l’étudier cette année avec mes 6e, ils me le feront percevoir avec une autre dimension. Affaire à suivre donc !

« Il fallait voir courir Tobie dans les branches. C’était un papillon. Silencieux, précis, imprévisible. Il avait tout appris dans les Basses-Branches. L’arbre était son jardin. Tobie connaissait les lieux habités et les fuyait. Il contournait surtout les grosses cités de bois moulu qui se multipliaient dans les arbres. » (p.58)

Les Misérables. Victor Hugo

Les Misérables – Victor Hugo (Ecole des Loisirs – Classiques abrégés)

Relecture en version abrégée (nous avions donné ce roman à nos 4e, ils devaient le lire pendant l’été), je me suis rendue compte que je l’avais lu il y a dix ans tout pile. Evidemment comme c’est abrégé, c’est très différent mais je trouve que cela fait davantage ressortir la structure du roman et met en valeur le titre. En tout cas, j’y ai été plus sensible. Victor Hugo présente différents portraits, des portraits de misérables, hommes ou femmes, jeunes ou âgés et bien qu’il tisse des liens entre les personnages, les chapitres forment des petites histoires qu’on pourrait isoler. Une galerie de personnages dans laquelle on retrouve évidemment les grands noms.

La magie a opéré lors de cette relecture. J’ai tremblé face à l’auberge des Thénardiers, Fantine m’a fait tellement de peine, j’ai souffert pour Cosette, j’ai craint l’implacable Javert, j’ai admiré Jean Valjean et sa recherche de la bonté et son désir d’altruisme, j’ai adoré Gavroche et son enthousiasme.

« Madame Magloire, dit l’évêque, vous mettrez un couvert de plus. » (chp 2) : quel passage mémorable, Jean Valjean qui retrace tout son passé de galérien, de forçat et cette réponse implacable de l’évêque de Digne. Une phrase… exemple admirable de tolérance, de bienveillance, d’hospitalité.

Et puis Les Misérables c’est aussi le récit de l’Histoire de France, le témoignage d’un combat, d’une lutte pour offrir la liberté et faire sortir de l’ombre le peuple. On sent le côté justicier de Victor Hugo, le narrateur prend la parole, interpelle le lecteur, commente, pointe les incohérences de la société. A la lecture, j’ai été sensible à ces passages qui ressemblent à des discours ou à des plaidoyers, comme celui-ci presque au début du roman : « il faut bien que la société regarde ces choses, puisque c’est elle qui les fait. C’était, nous l’avons dit, un ignorant; mais ce n’était pas un imbécile. » (p. 19)

Lisez, relisez Les Misérables ! Quel chef d’oeuvre ❤ ❤