L’arbre qui chante. Bernard Clavel

Recueil de trois nouvelles de Bernard Clavel qu’on pourrait résumer en trois mots : douceur, poésie et nature. J’ai beaucoup aimé l’écriture de Bernard Clavel : il y a de la poésie dans ses phrases, de la tendresse, de l’humanité dans ses personnages et de la simplicité dans ses histoires.

« C’était un matin de janvier. Un de ces beaux matins blancs qui ont du givre à leurs moustaches et des yeux pétillants de soleil. » Tout est dit dans cette phrase métaphorique que je trouve magnifique, je vois les montagnes, la neige, le froid et les montagnards solides et sensibles. Il s’agit du début de la première nouvelle, celle qui donne son titre au recueil.

Le chien des Laurentides est la seconde nouvelle, celle que j’ai trouvé la moins enchanteresse, celle qui m’a la moins convaincue et pourtant il y est question d’une amitié indéfectible mais je ne sais pas la première nouvelle était poétique, la dernière plus militante, la seconde m’a paru un peu inférieure (ce n’est que mon avis, et j’ai pris plaisir à la lire).

Dans la troisième nouvelle « La maison du canard bleu » écrite en 1971, il y est question d’un vieux monsieur un peu étrange mais il s’avère être un protecteur de la nature et un défenseur des animaux : « Les gens considèrent que tout ces animaux-là sont inutiles, ils ont tort. Il n’y a pas un seul animal inutile sur notre terre. Il y a un belle équilibre de la nature, et si les hommes détruisent certains animaux, cet équilibre sera rompu. » Cet homme va être exproprié, son terrain et ses bois vendus à des agents immobiliers.

La nature et son respect, les liens familiaux, l’amitié, l’entraide sont au coeur des trois nouvelles. J’ai trouvé la langue riche, exigeante et gracieuse. Clavel s’adresse à un public jeune mais il n’en appauvrit pas pour autant le style, le vocabulaire est recherché, parfois désuet mais cela apporte du charme à ces récits.

C’est un recueil qui rejoindra le fond de ma classe, idéal pour de jeunes lecteurs en 6e (même avant pour de bons lecteurs), moi je pense surtout à mes 6e jardin) mais on pourrait aussi l’aborder en 5e avec le thème de l’homme et la nature.

Violette Hurlevent et le jardin sauvage. Paul Martin, J. B Bourgois

Allez, il n’est pas encore trop tard pour parler de cette lecture qui m’a accompagnée pendant les derniers jours de décembre. « Le jardin était figé. Oublié depuis bien longtemps. » Violette Hurlevent entre dans ce jardin le jour où elle doit échapper de toute urgence de la maison de sa mère. Elle découvre alors des créatures étranges et un univers immense qui a sa propre temporalité et ses propres règles. Les loups parlent, les cailloux aussi… Mais dans ce magnifique jardin, les périls sont nombreux. Avec son chien Pavel, qui devient son destrier d’aventure, Violette va devoir affronter plusieurs menaces et celle en particulier de la Grande Tempête.

Ce récit est ponctué de magnifiques illustrations qui plongent le lecteur dans un univers poétique, magique et merveilleux. C’est un vrai conte initiatique, Violette apprend, elle devient plus forte et les dangers du jardin sauvage lui donnent la force d’affronter ceux de sa vie réelle. Je me suis laissée facilement entraînée dans ce monde imaginaire pour suivre les aventures de Violette au coeur de la nature. Ce roman n’est pas seulement un roman d’aventures, c’est aussi une réflexion sur le pouvoir de l’imagination contre les épreuves de la vie. J’ai pensé au Minimoys, à Alice au pays des merveilles, à Tobie Lolness de Timothée de Fombelle… c’est un mélange de tous ces contes et en lisant ce récit on retrouve son âme d’enfant.

Même si j’ai été enthousiasmée et portée par la beauté de la narration associée aux dessins, je dois reconnaître que j’ai trouvé qu’il y avait parfois des longueurs. Il existe un tome 2, Violette Hurlevent et les fantômes du jardin, si j’avais je le croise à la bibliothèque, je pense que je céderai tant Violette est attachante.

Tobie Lolness. Timothée de Fombelle

Tobie Lolness – Timothée de Fombelle (Folio Junior)

Je crois que je vais avoir du mal à parler de ce roman parce que je n’arrive pas à savoir ce que j’en ai pensé. Eh oui bizarre… d’un côté j’ai beaucoup apprécié le récit d’aventures, d’un autre côté j’ai parfois eu du mal à m’immerger dans ce monde imaginaire.

Tobie Lolness est un petit garçon d’un millimètre et demi. Il vit parmi les branches mais voilà qu’il est traqué par les siens. Son peuple qui habite le grand chêne depuis des décennies le poursuit parce que son père a refusé de livrer le secret d’une invention révolutionnaire. Tobie a réussi à s’échapper mais il va devoir affronter de multiples aventures pour survivre mais aussi pour grandir. Car Tobie Lolness est à la fois un roman d’aventures mais aussi un roman initiatique.

La bande de Jo Mitch le poursuit inlassablement, il n’a que peu d’amis mais est prêt à tout pour aider ses parents mais aussi pour les beaux yeux d’Elisha. L’intrigue est subtilement menée et alterne entre présent et passé. Alors dans ce roman d’aventures, on circule entre le monde des Cimes, celui des Basses-Branches ou encore celui de l’herbe, Tobie affronte les saisons et notamment l’hiver avec la neige qui recouvre les arbres et comble les cachettes. Au sein de ses aventures, se mêle de la poésie et un hymne à l’amitié et aux valeurs familiales. Mais cette histoire d’arbre est aussi une réflexion écologique intéressante. Les métaphores font réfléchir à notre monde, à la question changement climatique, à la faune des arbres, aux différences sociales, aux autoritarismes ou encore à la question des frontière. Tobie incarne un héros courageux, positif, vif d’esprit et curieux. Il a le sens des responsabilités également, beaucoup de qualités pour sa petite taille. Ce roman a indéniablement beaucoup de qualités, et j’aurai adoré le lire enfant (je n’ai pas parlé des illustrations de François Place, elles sont merveilleuses). D’ailleurs je pense que je vais tenter de l’étudier cette année avec mes 6e, ils me le feront percevoir avec une autre dimension. Affaire à suivre donc !

« Il fallait voir courir Tobie dans les branches. C’était un papillon. Silencieux, précis, imprévisible. Il avait tout appris dans les Basses-Branches. L’arbre était son jardin. Tobie connaissait les lieux habités et les fuyait. Il contournait surtout les grosses cités de bois moulu qui se multipliaient dans les arbres. » (p.58)

Les Misérables. Victor Hugo

Les Misérables – Victor Hugo (Ecole des Loisirs – Classiques abrégés)

Relecture en version abrégée (nous avions donné ce roman à nos 4e, ils devaient le lire pendant l’été), je me suis rendue compte que je l’avais lu il y a dix ans tout pile. Evidemment comme c’est abrégé, c’est très différent mais je trouve que cela fait davantage ressortir la structure du roman et met en valeur le titre. En tout cas, j’y ai été plus sensible. Victor Hugo présente différents portraits, des portraits de misérables, hommes ou femmes, jeunes ou âgés et bien qu’il tisse des liens entre les personnages, les chapitres forment des petites histoires qu’on pourrait isoler. Une galerie de personnages dans laquelle on retrouve évidemment les grands noms.

La magie a opéré lors de cette relecture. J’ai tremblé face à l’auberge des Thénardiers, Fantine m’a fait tellement de peine, j’ai souffert pour Cosette, j’ai craint l’implacable Javert, j’ai admiré Jean Valjean et sa recherche de la bonté et son désir d’altruisme, j’ai adoré Gavroche et son enthousiasme.

« Madame Magloire, dit l’évêque, vous mettrez un couvert de plus. » (chp 2) : quel passage mémorable, Jean Valjean qui retrace tout son passé de galérien, de forçat et cette réponse implacable de l’évêque de Digne. Une phrase… exemple admirable de tolérance, de bienveillance, d’hospitalité.

Et puis Les Misérables c’est aussi le récit de l’Histoire de France, le témoignage d’un combat, d’une lutte pour offrir la liberté et faire sortir de l’ombre le peuple. On sent le côté justicier de Victor Hugo, le narrateur prend la parole, interpelle le lecteur, commente, pointe les incohérences de la société. A la lecture, j’ai été sensible à ces passages qui ressemblent à des discours ou à des plaidoyers, comme celui-ci presque au début du roman : « il faut bien que la société regarde ces choses, puisque c’est elle qui les fait. C’était, nous l’avons dit, un ignorant; mais ce n’était pas un imbécile. » (p. 19)

Lisez, relisez Les Misérables ! Quel chef d’oeuvre ❤ ❤

Mon bel oranger. José Mauro de Vasconcelos

Toujours pour le challenge Les classiques, c’est fantastique, je suis restée encore un peu en Amérique du Sud. Ce roman est avant tout autobiographique, José Mauro de Vasconcelos a puisé dans ses souvenirs d’enfance à Rio pour écrire ce récit. Et c’est bien sombre comme récit, le sous-titre donne le ton tout de suite « Histoire d’un petit garçon qui, un jour, découvrit la douleur ».

Mon bel oranger – José Mauro de Vasconcelos (Le livre de poche jeunesse)

Mon bel oranger c’est l’histoire de Zézé, un petit brésilien de cinq ans. À la maison, c’est un vrai diablotin qui fait bêtises sur bêtises et reçoit de terribles fessées et est sans cesse battu. A l’école il se conduit bien et fait l’admiration de sa maîtresse. Zézé a surtout un secret, un oranger à qui il se confie, à qui il raconte ses rêves et cet oranger lui répond. Zézé est un petit garçon à qui on a raconté trop tôt des histoires d’adultes. Issu d’une famille très pauvre, il s’est vite retrouvé confronté à la misère et à la violence. Face à des adultes qui ne le comprennent pas, Zézé se réfugie dans un monde imaginaire. Zézé est extrêmement émotif et intelligent et seul son oranger semble lui apporter cette paix et réconfort. Il a aussi sa soeur Gloria comme soutien ou bien encore son ami Portugal qui comprennent le petit garçon espiègle.

Ce qui m’a énormément surpris, c’est le grand nombre de dialogue. Il y a très peu de narration, les conversations s’enchaînement parfois avec énormément de sous-entendus ce qui rend la compréhension un peu difficile. L’intrigue est finalement plutôt une suite de péripéties, d’événements ou de bêtises de Zézé. Et puis j’ai trouvé que la connaissance des personnages uniquement par le dialogue ne permettait pas de s’attacher aux personnages comme je l’aurais aimé. C’est plutôt une déception, je n’ai pas trouvé l’émotion que je pensais trouver dans ce roman…

« Oh ! le joli pied d’oranges douces! Regarde, il n’a pas une seule épine et il a tellement de personnalité que de loin on devine que c’est le pied d’oranges douces. » (p. 39)

Pêcheur d’Islande. Pierre Loti

Pêcheur d’Islande – Pierre Loti (Le Livre de poche, édition 2006)

L’air du large – ce mois-ci le challenge Les classiques, c’est fantastique nous faisait prendre la mer, et quelle bonne idée ! Depuis quelque temps, je voulais relire Pêcheur d’Islande. Je l’avais donc précisément mis de côté pour ce mois de juillet.

Loti nous plonge, vers 1884, au coeur de la Bretagne, à Paimpol (que j’ai depuis très envie de visiter) parmi les pêcheurs, ceux qui partent en Islande pêcher durant tout l’été affronter la mer du Nord et ses dangers.

Le héros, c’est Yann, un marin timide et réservé, un marin solide et déterminé. Mais il y a aussi Sylvestre Moan, l’ami de Yann, celui qui rejoint l’armée navale du Tonkin. A ces histoires de mer, s’ajoute une histoire sentimentale. C’est Gaud, un petit rayon de soleil, elle aime Yann, sa carrure rassurante, sa douceur malgré son air farouche. Mais voilà, il faudra oser se croiser et s’avouer ses sentiments avant que la campagne de pêche ne reprenne. Elle attend un regard ou un geste de ce marin qui l’impressionne.

Dans ce roman, la mort est très présente, Loti parle des marins disparus, des naufrages, de la rudesse de cette vie en mer et à terre rythmée par les retours et les départs tristes. Son écriture est sobre, tout en délicatesse. On sent la tendresse de Loti pour ces hommes et ces femmes (lui-même a été marin) qui affrontent dangers et peurs. C’est un roman émouvant et poignant, envoûtant !

J’admire ces hommes capables de s’embarquer sans trop savoir ce qu’ils vont rencontrer, capables d’affronter des tempêtes, capables d’être loin et seul voguant pendant des mois et des mois… ça m’impressionne vraiment.

« Aux instants plus dangereux, chaque fois que se dressait, derrière, la montagne d’eau nouvelle, surplombante, bruissante, horrible, heurtant leur bateau avec un grand fracas sourd, une de leurs mains s’agitait pour un signe de croix involontaire. » (p.66)

Quel bonheur de se plonger dans un livre qui parle des marins et de la mer, j’adore cet univers, je crois que je vais encore rester quelques temps dans les livres qui abordent ce thème. En attendant vous pouvez aller lire les autres avis des participantes du challenge, à retrouver les blogs au milieu des livres et Mes pages versicolores

Et sinon voici un petit récapitulatif des livres que j’ai lu et qui parle de la mer, si vous avez d’autres idées, je suis preneuse 😉 Il y a évidemment le somptueux Moby Dick de Melville, mais aussi sa version bande dessinée lue avec mon fils il y a quelques semaines Moby Dick. J’avais lu aussi le très poétique Ultramarins de Marinette Navarro et il y a quelques années Dans les eaux du grand Nord d’Ian McGuire qui évoque les baleinières.

Deux femmes et un jardin. Anne Guglielmetti

Deux femmes et un jardin – Anne Guglielmetti (Editions Interférence)

C’est un petit roman sur une amitié improbable, une amitié entre deux femmes dans un endroit isolé autour d’un jardin. Mais, pour moi, c’est bien l’amitié le thème principal de ce récit. C’est l’histoire d’une rencontre qui crée un lien profond. Mariette, une femme d’un certain âge, est conduite dans un petit village, au fond de la Normandie. Elle hérite d’une maison avec un joli jardin abandonné. Cette femme est mystérieuse, on ne sait pas grand chose sur elle, elle a l’air marqué par un secret, par une douleur par quelque chose mais ce n’est jamais dit. On ne connaît jamais son passé (ou très peu), on ignore ses souffrances mais j’ai trouvé qu’elle était intrigante. Et puis elle est silencieuse et solitaire. Dans ce petit village, une adolescente vient passer ses vacances dans une maison. Pas très heureuse d’être à la campagne où il n’y a rien à faire, elle va croiser Mariette. Et peu à peu, elle revient régulièrement la voir, l’observer. « Nous étions toutes les deux terriblement gênées, comme lourdes de choses que nous ne savions pas où déposer. » (p. 46) Désemparée, Mariette n’ose jardiner et ne sait pas comment s’y prendre. L’adolescente lui propose de l’aide pour jardiner, lui prête des outils. Mais les deux femmes parlent peu. Il y a de la gêne, des non-dits entre ces deux femmes, de la pudeur, beaucoup de pudeur. Il n’y a presque aucun dialogue dans ce récit. Le père qui râle contre son adolescente essentiellement. Pourtant au-delà des mots, un complicité subtile va se créer. La nature sert de lien, le jardin est le lieu où elles vont nouer cette amitié, elles travaillent côte à côte dans le jardin au fur et à mesure des vacances scolaires et des saisons qui passent.

« Mais lorsque les pommiers et le prunier du jardin fleurirent au cours des premiers jours d’avril, elle en fut éblouie comme elle avait été subjuguée par la flamme de deux bougies tenant la nuit en respect. » (p.41)

C’est un récit très sobre. Il y a peu de choses exprimées, peu de sentiment dit. La petite chose qui m’a dérangée, c’est justement cette sobriété. Mariette reste une énigme pour moi. Qu’est-ce que ressent cette femme urbaine dans ce jardin ? face à cette jeune fille ? qu’est-ce qu’elle aimerait lui demander ? partager avec elle ? J’ai trouvé que la jeune fille, qui est parfois la narratrice, était plus accessible, que je la comprenais davantage. Ce que je retiens, c’est la délicatesse et la poésie de l’écriture d’Anne Guglielmetti.

Le jardin secret. Frances Hodges Burnett

Le jardin secret – Frances H. Burnett (Folio Junior)

Ce roman est un baume au coeur, je l’ai lu car je compte l’étudier avec mes 6e et j’ai hâte de le lire avec eux, de me plonger dans cette atmosphère et de découvrir avec eux la magie de ce jardin.

Mary Lennox est une petite fille, capricieuse, autoritaire, désagréable, tyrannique et il faut le dire plutôt laide. Le récit n’est pas tendre avec elle dans les premiers chapitres. Elle vit aux Indes (alors colonie anglaise), ses parents ne s’occupent pas trop d’elle, elle n’a pas appris l’amour, la tendresse, la compassion, le sourire. Elle mène tout le monde à la baguette. Mais une épidémie de choléra va venir modifier le cours de son existence. Elle doit alors rentrer en Angleterre, dans un vieux manoir isolé dans les landes, un manoir assez lugubre où son oncle morose, Archibald Craven, ne veut surtout pas la voir. Dans ce manoir, aucun bruit, aucun rire, aucune distraction. Il faudra qu’elle s’occupe seule. Une des servante est désignée pour lui servir ses repas et prendre soin de sa chambre, Martha, jeune femme dynamique et affable, souriante. Martha envoie Mary jouer dehors, convaincue que l’air des landes lui fera du bien. Martha lui parle des jardins et surtout du jardin secret, un jardin abandonné fermé depuis dix ans, un jardin caché dont la porte est introuvable et surtout dont la clé a été enterrée par Archibald Craven à la mort de sa femme. Mary erre dans les jardins, les potagers, les vergers. Elle rencontre le jardinier Ben Weatherstaff, et puis le rouge-gorge, et puis Dickon, le petit frère de Martha. A l’éveil du printemps, elle s’épanouit dans la découverte de ce parc.

C’est un livre enchanteur. Les descriptions des jardins sont fabuleuses et vivifiantes. Beaucoup de pages sur les plantes, la culture, le jardinage. C’est aussi un roman d’apprentissage, au contact de la nature, Mary change, elle s’étoffe, elle devient souriante, elle devient plus aimante. C’est un plaidoyer pour les bienfaits de la nature. Mais c’est aussi un roman d’aventures avec des surprises. Et une très grande place laissée à la magie. Le tout avec un vocabulaire élaboré, quelques petites touches d’humour et des personnages attachants.

« Pendant toute une semaine, le soleil brilla sur le jardin secret. C’est ainsi que Mary appelait son domaine. Elle aimait ce nom, et elle aimait surtout se dire que chaque fois que les vieux murs de pierre se refermaient sur elle, personne ne pouvait savoir où elle se trouvait. Il lui suffisait d’y entrer pour se sentir transportée dans un pays enchanté. »

Le fruit de l’arbre. Edith Wharton

Le fruit de l’arbre – Edith Wharton (Edition 10/18)

Pour cette première lecture de l’année, j’ai voulu piocher dans la littérature américaine et j’ai choisi Edith Wharton que j’avais beaucoup apprécié pour Chez les heureux du monde. Le charme n’a pas autant opéré cette fois-ci. Je dois reconnaître que je suis un peu déçue de ma lecture et qu’il y a des passages où je me suis ennuyée et en même temps je trouve cette oeuvre importante et intéressante car elle aborde des questions assez peu traitée, notamment pour cette époque (c’est une auteur du début du XXe siècle).

Alors que la révolution industrielle américaine est en plein essor, un idéaliste, John Amherst rencontre la jeune Justine, jeune femme brune alors infirmière. Amherst, sous-directeur d’une usine de filature, se préoccupe de ses ouvriers ; il aimerait que les conditions des ouvriers s’améliorent. Justine soigne justement l’un d’entre eux. Tous les deux partagent des valeurs humanistes fortes. Mais Amherst rencontre, Bessy Westmore, la belle héritière des filatures, jeune femme blonde et coquette dont le charme est redoutable. Ce trio romanesque (Justine et Bessy sont des anciennes amies) constitue donc l’intrigue amoureuse principale mais Edith Wharton aborde surtout des questions d’ordre social. Elle décrit un monde égoïste et hypocrite. J’ai trouvé les pages concernant la fin de vie et la question de l’euthanasie saisissante. Le récit est assez inégal, l’intrigue est séduisante mais il y a beaucoup de longueur dans la narration, tout se délite et manque d’envergure (par exemple la vie ouvrière est survolée) pourtant les réflexions modernes ne manquent pas notamment concernant la position des femmes, celles-ci ne sont plus sous le joug de leurs maris et prennent peu à peu des libertés. Edith Wharton, qui se serait peinte sous les traits de Justine, dresse un portrait de la femme moderne, qui milite pour le progrès et lutte contre la pesanteur des traditions, pourtant la fin est bien trop à l’eau de rose pour être convaincante (en tout cas, moi je ne suis pas convaincue. bref je préfère retenir les premiers chapitres sur les conditions ouvrières et les chapitres sur la gestion de la souffrance en fin de vie.

« La vue de la filature au travail ravivait toujours le zèle d’Amherst pour sa cause. Il aimait ce métier autant qu’il haïssait les conditions dans lesquelles il était exercé, et il brûlait de voir sur les visages des ouvriers un peu de cette ardeur qui éclairait le sien quand il pénétrait dans les ateliers. » (p.41)

« Vint le temps où les anesthésiques commencèrent à perdre leur efficacité. C’était le seizième jour après l’accident et toute ressource était à peu près épuisée. Il n’était pas sûr, même maintenant, qu’elle allait mourir, mais elle allait certainement souffrir longtemps. » (p. 265)

Une année chez les Français. Fouad Laroui

Une année chez les français – Fouad Laraoui (Hatier)

De l’aveu de l’auteur même, ce roman est « autobiographique à 73% », le reste est « broderie et invention ».

C’est une lecture assez plaisante et distrayante. Tout d’abord un petit point sur l’intrigue : Mehdi, jeune marocain issu du village de Béni-Mellal au pied du mont Atlas, se présente devant le lycée Lyautey, lycée français de Casablanca pour entrer en 6e. Nous sommes en 1969, il ne sait pas du tout ce qui l’entend et ne connaît aucun code de l’éducation française. Il arrive d’ailleurs avec des dindons en main à donner en remerciement. Il ne sait pas trop pourquoi il est envoyé à ce lycée mais il a obtenu une bourse pour y être instruit. Il découvre un nouveau monde : des surveillants, le dortoir, le réfectoire… tout est déroutant pour lui. En racontant les aventures de ce jeune homme, l’auteur nous fait rire, c’est très drôle.

J’ai beaucoup apprécié le style de l’auteur, on sourit beaucoup de jeux de mots, de situations cocasses. On rit aussi des erreurs et des maladresses du personnage. Mais on rit aussi des français. C’est donc un roman satirique : Mehdi peine à comprendre les règles de ce nouveau monde, j’ai pensé à Montesquieu en lisant. Nous sommes dans cette démarche du regard étrange en permanence. Les clichés, les habitudes… tout est questionné et interrogé par ce regard. Mais au-delà de cette dénonciation de certains préjugés, l’auteur montre, à travers l’expérience de ce garçon, l’importance de l’humaniste : Mehdi est un garçon curieux, qui s’intéresse aux livres et aux enseignements qu’il reçoit. Peu à peu il s’intègre, il parvient à créer des relations amicales et il triomphe des barrières culturelles. C’est donc le thème de la rencontre des cultures que l’auteur évoque, Mehdi aura cette richesse d’une double culture (la phrase lui est dit dans le roman) et il retient cela. La fin du roman tire un peu en longueur, cependant elle permet de voir l’évolution de Mehdi, il a compris ce que lui a apporté cette année, il a mûri, il est prêt pour grandir.