L’ennemie. Irène Nemirovsky

Ma dernière lecture de 2022 fut délicieuse. J’ai glissé dans ce court roman avec bonheur. Je ne l’ai pas quitté pendant deux jours.

L’histoire se déroule dans les années 30, à Paris. Gabri, onze ans, et sa petite soeur Minette sont livrées à elles-mêmes. Leur mère est occupée ailleurs, elle aime la légèreté des cabarets, des rencontres furtives et ne se sent pas l’âme maternelle, elle est indifférente à ses filles et à leur sort. Leur père, Léon Bragance, est absent, mobilisé puis occupé au retour. Lorsqu’il rentre, le cadre familial se recrée mais c’est sans compter sur l’arrivée du cousin, Charles. Les tensions, les ressentiments renaissent.

Dans ce roman ayant pour toile de fond la société bourgeoise, on retrouve beaucoup de thèmes déjà abordés dans Le Bal. Tout d’abord il y a cette relation mère-fille, cette haine de la fille pour sa mère, pour sa légèreté, pour sa coquetterie et sa frivolité, pour son incompétence, pour cette séduction qu’elle incarne. Et puis cette haine devient un besoin irrépressible de blesser l’autre et de se venger. Cette question de la vengeance est très présent. On retrouve aussi la notion de rivalité entre la mère et la fille, plusieurs fois la mère ne convie pas sa fille pour ne pas que celle-ci lui fasse ombrage « Mme Bragance prit sa fille avec elle au Ritz, mais Gabri était jolie, et pas mal de regards glissèrent de sa mère vers elle. »

Et puis il y a ce trio amoureux. Lors de la scène d’un dîner, la mère est là, Gabri et aussi l’amant des deux femmes, Gabri s’amusant follement de cette situation. J’ai pensé alors à ce triangle amoureux formé par Emile Zola dans Thérèse Raquin, on retrouve cette même tension dramatique et on comprend que cela ne pourra que se terminer par un drame.

Gabri, c’est aussi le personnage de l’adolescente, celle qui est animée d’une violence, d’un rejet de cette société déboussolée incarnée par sa mère mais c’est aussi son apprentissage terrible de la féminité, des désirs naissants et d’une solitude insupportable.

Quand on sait que ce roman est en partie autobiographique, c’est assez glaçant. En effet Irène Némirovsky analyse en partie sa relation avec sa mère, c’est magnifiquement écrit dans un style dur et incisif. C’est ciselé et le dénouement bien sombre.

Une femme. Annie Ernaux

Si j’avais lu il y a quelques années La place il ne me restait que peu de souvenir. Mais j’avais relu plusieurs extraits, notamment pour mes 3e et j’avais envie de poursuivre ma découverte de cette autrice. Le prix Nobel m’a fait que me convaincre qu’il fallait que je lise Annie Ernaux.

Tout d’abord l’écriture, au début c’est un peu dure. Il y a peu de détails, les phrases sont comme des brides de souvenirs ou de doute. Cette écriture sans excès, sans pathos qu’on nomme souvent écriture plate est de prime abord un peu difficile et finalement je me suis rendue compte qu’elle laissait passer beaucoup d’émotions. Que tout (ou presque) était dans les non-dits.

« Je vais continuer d’écrire sur ma mère. Elle est la seule femme qui ait vraiment compté pour moi et elle était démente depuis deux ans. » (p. 22)

Une femme, cette femme c’est sa mère. Annie Ernaux dresse le portrait de sa mère, celle qu’elle était et celle qu’elle est devenue à la fin de sa vie. Pas facile de tisser un lien entre ces deux images. Elle se remémore cette femme si active, si ouverte, celle qui rêve de conquérir « une place » et en même temps Annie Ernaux évoque les sentiments contrastés qu’elle éprouve pour sa mère. A la fois « connivence autour de la lecture », ce goût pour l’apprentissage « s’élever, pour elle, c’était d’abord apprendre » mais aussi « lutte » entre les deux femmes, on sent l’autrice agacée par cette mère, cette mère dont elle cherche (par moments) à se séparer. Je trouve que malgré les tensions qu’on devine notamment à l’adolescence, ce roman est aussi un hymne à l’amour. Par ce récit, elle lui redonne vie. : « Je sais que je ne peux pas vivre sans unir par l’écriture la femme démente qu’elle est devenue, à celle forte et lumineuse qu’elle avait été. » (p. 89)

Et je vous laisse avec la dernière phrase que je trouve bouleversante : « Je n’entendrai plus sa voix. C’est elle, et ses paroles, ses mains, ses gestes, sa manière de rire et de marcher, qui unissaient la femme que je suis à l’enfant que j’ai été. J’ai perdu le dernier lien avec le monde dont je suis issue. »

Où vivaient les gens heureux. Joyce Maynard

Où vivaient les gens heureux – Joyce Maynard (Edition Philippe Rey)

Quel beau roman mais je crois qu’il va m’être difficile d’en parler. Si une image devait résumer ce mot, ce serait l’arbre, le frêne majestueux de la ferme. Ce roman c’est une histoire de famille qui commence par la fin. Les premières chapitres et les derniers se passent au même moment mais entre, on connaît toute l’histoire de la famille. Où vivaient les gens heureux c’est la maison qu’Eleanor achète dans la campagne du New Hampshire, elle est alors très jeune, orpheline, dessinatrice et elle cherche à oublier son passé. Quelques hivers seule dans cette maison, des promenades jusqu’à la cascade en fin de propriété et puis elle rencontre Cal. Très vite, il lui ouvre un univers. Ils construisent une famille. C’est alors l’effervescence, les enfants dont on s’occupe en se délaissant peu à peu. Pour Eleanor, la vie c’est cette famille, ce sont la secrète Alison, la souriante Ursula et Toby, le gentil collectionneur de cailloux. Eleanor est prête à tout pour ses enfants, pour cette famille qu’elle a construite. Peu à peu pourtant elle et Cam s’oublient mais elle pense qu’ils ont quelque chose d’incassable : cette famille. Jusqu’au jour où un drame arrive…

Dans ce roman, Eleanor va devoir apprendre avec la vie qu’elle a, pas avec celle qu’elle a rêvé. Elle voudrait la famille parfaite mais la quête de cette perfection est complexe : elle devrait apprendre l’indulgence. Ce personnage raconte un parcours de femme, de mère et d’épouse ; finalement chacune peut trouver des situations et des sentiments similaires au sien. C’est un parcours fait de grandes joies, de réussites professionnelles, mais également d’échecs, de compromis, de renoncements, de tourments, de colère, d’erreurs, de rancoeurs. Eleanor est celle qui recherche le bonheur, quitte à se sacrifier. Elle est un personnage touchant car elle est entière, elle se sacrifie sans cesse pour protéger ses enfants, pour ne pas ternir leurs souvenirs et l’image de Cam, elle encaisse en silence.

C’est un roman sensible, une fresque douce-amère sur la famille et les liens familiaux et une femme à la recherche de la perfection, qui souhaite une vie de famille unie au milieu de la nature à partager des plaisirs simples comme celle de faire glisser des bonhommes-bouchons dans la cascade. Ce fut une lecture agréable, un joli moment partagé au pied de ce frêne envoûtant.

« A la vérité, pour Eleanor, élever leurs trois enfants demeurait le centre la sa vie. Eleanor considérait les journées passées avec eux comme une sorte d’oeuvre d’art et, de même que dans tout art, beaucoup de ses tentatives échouaient.. » (p. 149)

Le Bal. Irène Némirovski

Le Bal – Irène Némirovski (Grasset)

Première relecture de l’année, comme je suis contente d’avoir relue ce récit, qu’elle nomme « roman » mais qui possède toutes les caractéristiques d’une nouvelle : tout d’abord sa taille mais surtout son intensité dramatique. J’adore cette écriture !

Alors qu’Antoinette vient d’avoir quatorze ans, sa mère Mme Kampf organise un bal. Mais Mme Kampf a changé, elle n’est plus la maman attentionnée. Récemment passé de la gêne à l’opulence, elle veut montrer sa nouvelle richesse et être éclatante au point d’en dénigrer sa fille, d’en être cruelle avec elle… et surtout elle ne veut pas d’elle au bal ! il ne manquerait plus que sa fille lui vole la vedette alors que Mme Kampf pourrait enfin briller, enfin être regardée de tous… non sa fille serait une rivale… avec cruauté et mesquinerie, elle dit à Antoinette que celle-ci est trop jeune pour faire son entrée dans le monde et qu’elle dormira dans la réserve le soir du bal… La vengeance d’Antoinette ne s’en sera que plus forte… entre rancoeur et amertume, elle savourera son geste.

Ce qui m’a marqué dans ma relecture, c’est le mépris des adultes (représentés par les parents Kampf) et la médiocrité de la mère qui conduit à détruire sa fille par pur égoïsme… elle ne pense qu’à l’apparence et les répliques sur les petits fours sont d’un drôle !… Quelle critique cinglante de ces « nouveaux riches » ! La plume d’Irène Némirovski est asserée, elle réfléchit aux affres de l’adolescence dans ce récit aux accents autobiographiques. Mais ce roman s’inscrit également dans le contexte des années folles, de la montée de l’antisémitisme, il y a en effet beaucoup plus de choses qu’il n’y paraît dans ce récit.

L’aube sera grandiose. Anne-Laure Bondoux.

L'aube sera grandioseD’Anne-Laure Bondoux, je connaissais Tant que nous sommes vivants que j’avais beaucoup aimé (et que je conseille chaque année à mes élèves), alors quand j’ai commencé à voir des publications sur ce roman, j’ai été tout de suite très attirée. La couverture magnifique m’a encore plus donné envie et la 4e de couverture a achevé de me séduire.

« Malgré les souffrances qu’il lui avait infligées, elle voulait encore croire en des jours meilleurs, et en cette aube grandiose qu’il faisait naître avec des mots. » (p.227)

Ce roman, c’est avant tout une histoire de famille, celle de Titania qui raconte à sa fille Nine, l’histoire de sa famille. Alors que c’est le soir de la fête du Lycée, Titania emmène sa fille dans sa voiture jusqu’à une cabane à l’allure abandonnée au bord d’un lac dans la forêt. Titania a décidé de lui raconter son passé, un passé qu’elle a jusqu’à présent bien caché. C’est alors que commence une nuit de discussion mère-fille, une nuit de confidences, une nuit de révélations… et quand l’aube se lèvera, ce sera une nouvelle vie. Titania raconte donc son enfance, évoque son père et sa mère mais aussi ses frères, Orion et Octobre. Et les chapitres sont ponctués de dessins, très jolis. Cette histoire est fascinante, chaque chapitre se lit avec bonheur, chaque rebondissement est un délice, le suspens monte petit à petit. J’ai trouvé la fin très poétique et positive, un élan vers l’avenir, une fin solaire où un vent de liberté et de fraîcheur se fait sentir… Les personnages sont très attachants et tendres : la mère et la fille, face à face, ces révélations, ces interrogations, ces incompréhensions… une nuit si particulière fascinante et émouvante.

La pluie, avant qu’elle tombe. Jonathan Coe

Deuxième lecture pour le mois anglais… et deuxième belle découverte. De Jonathan Coe je n’ai lu que Le Testament anglais qui ne m’a laissé aucun souvenir mais voilà j’ai décidé de redonner une chance à cet auteur et j’ai eu raison.

La pluie, avant qu'elle tombeLe titre est très énigmatique mais très poétique, il est expliqué plusieurs fois dans le roman et j’aime quand les titres évoquent un passage du roman. La Pluie, avant qu’elle tombe raconte le parcours de 3 femmes ou plutôt devrais-je dire le parcours. Ca commence doucement et puis ça va crescendo. Gill apprend la mort de Rosamond, une vielle tante qu’elle n’a pas vu souvent. Mais voilà que Rosamond a laissé des cassettes enregistrées pour une mystérieuse Imogen… Après l’avoir cherché et avoir déposé des annonces dans les journaux, Gill ne la trouve pas, elle décide alors d’écouter les cassettes. C’est alors que la voix de Rosamond intervient : à partir de photographies qu’elle décrit, elle raconte ses souvenirs, ses quarante dernières années et elle remonte le passé d’Imogen : sa mère Théa et sa grand-mère. On suit alors avec passion et intérêt la vie de ses femmes, de ses trois générations : trois femmes tourmentées par la difficulté d’aimer, leur rôle de mères de famille… Jonathan Coe pose alors la question de ce qu’on laisse aux générations suivantes, la question de l’incidence de nos vies sur la génération suivante : y a-t-il un lien entre les générations ? y a-t-il une logique entre les destins de femmes issues d’une même famille ?

Ce roman est écrit avec beaucoup de délicatesse, de subtilité et de tendresse avec une progression parfaite vers la révélation finale. On entre, avec élégance, dans la vie intime de ces femmes et les derniers chapitres sont passionnants. J’ai donc renoué avec Jonathan Coe.

Fugitive parce que reine. Violaine Huisman

Fugitive parce que reineJe ne sais pas pourquoi j’ai choisi ce roman, sûrement parce que je l’ai beaucoup vu sur les réseaux sociaux, certainement parce que je trouve le titre splendide et énigmatique. Les premières sont décevantes… j’ai eu du mal à entrer dans l’histoire, à en saisir le sens, la fameuse intention de l’auteure me venait pas à moi. Et puis au fil des pages, petit à petit je me suis laissée embarquer, tout doucement et presque sans que je m’en rende compte pour finir par avoir une gorge serrée d’émotions à la dernière ligne.

Violaine Huisman raconte son enfance mais surtout dresse le portrait de sa mère, une mère maniaco-dépressive, une mère plein de fêlures et de défaillance cependant elle est une mère aimante et c’est ce que retient la narratrice. Une mère consciente de ses faiblesses, elle lit Dolto, pourtant elle ne peut s’empêcher d’être ce qu’elle est, passant des gifles, des cris, des pleurs aux bisous et aux déclarations, elle est instable et imprévisible. Ce roman autobiographique raconte cette relation mère-fille, une relation bien que compliquée et qu’imparfaite, qui m’empêche pas cette mère d’être une reine aux yeux de ses filles. J’ai aimé l’évocation de cette vie mouvementée, chaotique et surtout les réflexions autour de la question des classes sociales. J’ai trouvé que cela revenait très souvent. Violaine Huisman tente aussi de raconter la vie de sa mère, l’enfance meurtrie  de sa mère, elle-même auprès d’une mère cruelle et indifférente, son internement en hôpital psychiatrique où elle ne reçoit aucune visite, même pas celle de sa mère : comment se construire alors comme adulte ? Catherine s’accrochera aux hommes avec ce besoin constant et vital d’être aimée. Dans ce parcours heurté et chaotique, l’amour est omniprésent. J’ai trouvé que les dernières pages montraient parfaitement ce lien fusionnel entre cette mère et ses deux filles. Ces dernières pages sont très touchantes et très belles, une déclaration pour cette mère qui a essayé de faire du mieux qu’elle pouvait.

« Quand elle se retrouvait à table avec ces personnalités de l’intelligentsia parisienne, elle répétait les noms qu’elle avait entendu papa prononcer sans discrimination de grandeur ou de célérité. » (p.106)

« Fugitive comme un astre derrière un nuage, elle reparaît moins vite, éteinte mais pas tout à fait perdue. Ce n’est pas son heure. Il faut encore lutter. » (p.142)

Les dames de Kimoto. Sawako Ariyoshi

La dame de Kimoto 1Cela faisait longtemps que je n’avais pas lu de littérature asiatique et plus spécifiquement japonaise. D’habitude je trouve leurs mots crus, parfois secs mais là ce fut tout le contraire. Sawako Ariyoshi use de mots doux et de délicatesse dans son expression. Elle insiste sur de nombreuses valeurs pour montrer l’importance de la tradition nippone dans l’éducation des filles (puisque le roman se concentre autour des personnages féminins).

Les dames de Kimoto raconte l’histoire de trois générations de femmes japonaises issues de cette famille ancienne et aisée. J’ai beaucoup aimé la relation entre Hana et sa grand-mère Toyono, cette grand-mère dévouée à sa petite fille mais surtout qui cherche à lui apprendre tous les codes, toutes les superstitions, tous les rites, toutes les coutumes nippones pour en faire une femme japonaise parfaite. Le mariage de Hana l’éloigne de sa grand-mère mais elle n’oublie jamais tout ce que la vieille femme a appris et tout ce qu’elle lui doit. Hana devra ensuite vivre dans la famille de son mari et élever ses enfants, notamment sa fille Fumio. A une époque charnière du Japon, à l’aube de la première guerre mondiale, Fumio refuse le rôle de femme soumise de sa mère. Fumio est une jeune fille brillante et rétive à l’apprentissage des arts traditionnels. Elle choisit ses études et milite pour la libération des femmes se mariant avec l’homme de son choix. Hana souffre de cette fille mais elle renoue et retrouve de l’apaisement avec sa petite-fille Hanako. Décidément les relations grand-mère petite-fille m’ont attendries.

La dame de Kimoto 2Ce roman retrace donc l’évolution de la condition féminine, du Japon traditionnel de l’ère Meiji de la fin du XIXe siècle jusqu’après la seconde guerre mondiale à travers la figure centrale de Hana. Une belle saga familiale nippone.

« Depuis plus de vingt ans,sa vie et celle de Hana ne faisaient qu’un. Mais à présent, elles ne seraient plus jamais unies, pas même dans le tombeau familial. Hana se sentait étroitement liée à sa grand-mère. La conscience de leur commun destin féminin les rapprochait plus que jamais. » (p.25)

La neuvième heure. Alice Mc Dermott

La neuvième heureUn mois pour lire ce roman… la rentrée est passée par là et je déteste prendre autant de temps pour lire un roman. J’ai le sentiment que ça me fait passer à côté d’une partie de l’histoire. Je me sens beaucoup moins dans un livre quand c’est comme ça, je m’attache moins aux personnages parce que je me sens plus éloignée. Ce fut malheureusement le cas avec cette lecture.

A Brooklyn, dans le quartier irlandais, au début du XXe siècle, Annie, une jeune immigrée enceinte, trouve en rentrant chez elle le corps de son mari qui s’est suicidé. Ainsi début le roman d’Alice McDermott. Venue prendre la relève des pompiers, sœur Saint-Sauveur, épuisée par une journée à faire l’aumône, s’occupe de la jeune femme. Très vite, les sœurs se mobiliser pour aider cette jeune femme à subvenir à ses besoins. Tandis que les sœurs s’occupent de sa fille Sally, Annie travaille dans la blanchisserie du convent. L’enfant grandit dans ce couvent, son éducation est religieuse et soeur Jeanne veille à lui enseigner la vision optimiste de la foi.

La partie que j’ai préféré c’est lorsque Sally, jeune femme, commence à accompagner les sœurs, sœur Lucy et sœur Jeanne, au chevet des malades misérables.  Une plongée alors dans les petites maisons des immigrés et dans leur vie difficile. Les descriptions se font alors très réalistes et les maux décrits sont durs.

Entre l’agrégation, le collège, les enfants et la maison, je pense que mon rythme de lecture va sacrement diminuer. Je vais me concentrer sur mes lectures pour le boulot ou des lectures très courtes.

Nina par hasard. Michèle Lesbre

Nina par hasardEncore une relecture… je ne sais pas pourquoi j’ai choisi celui-ci dans ma bibliothèque. Une envie de retrouver cette plume qui m’avait marquée il y a quelques années et que je n’ai presque plus relu depuis. Michèle Lesbre, pour moi, c’est d’abord une écriture toute en retenue et en souplesse. Rien ne vient heurter les phrases ou l’intrigue. Il y a une forme de sérénité et de poésie dans sa plume mais aussi une mélancolie, on perçoit de la tristesse et entre les lignes on perçoit quelques drames.

Nina est apprentie coiffeuse à Roubaix. Pour l’anniversaire de sa mère, elle a décidé de trouver Le cadeau. Cette recherche est l’occasion de penser à sa mère, ouvrière dans une usine de textile. Nina repense aussi aux collègues de sa mère, à l’usine et ses conditions de travail, aux luttes pour la survie (le côté social du roman)… et puis elle repense à son père, aux amants de sa mère, aux dimanches dansants. Nina vit en vase clos avec sa mère, une relation à deux interrompue de temps à autre par un amant. Nina aimerait exister davantage, mais que faire pour exister davantage aux yeux  de sa mère? C’est pour cela qu’elle profite de ce premier jour de congé pour trouver LE cadeau qui les réunira le temps d’un week-end. Le week-end à la mer est alors une possibilité d’évasion, d’ailleurs mais il faudra faire avec les aléas de la vie : la blessure de Louise à l’usine, le patron Delplat et sa coupe traditionnelle du vendredi…

« Dans une pièce de Tchekhov, il y a une fille prénommée Nina. Elle rêve d’être comédienne, mais surtout elle rêve d’autre chose, d’un ailleurs, de ce qui pourrait donner du sens à sa vie. Un personnage vraiment magnifique. […]

Le lendemain matin, alors que ma mère et moi tentions, chacune assise à un bout de la table, de nous réveiller, j’ai eu envie de savoir pourquoi ils m’avaient donné ce prénom, mon père et elle. Connaissait-elle cette pièce de théâtre ? Je ne le pensais pas.

– Au fait, pourquoi m’avoir appelée Nina ? ai-je demandé.

– […] Ecoute ma chérie, je n’en sais rien du tout, c’est arrivé comme ça, par hasard. Il ne te plaît pas ce prénom ? (p.81)

Après cette relecture, j’ai envie de poursuivre avec La Petite trotteuse et Un lac immense et blanc qui sont sur mes étagères et que j’avais lu dans la foulée, et puis il me faudrait découvrir Le Canapé rouge… bref j’ai encore de jolis instants de lecture qui m’attendent, reste à trouver le temps !

Nina par hasard. Michèle Lesbre. Editions Sabine Weispeser (au passage, j’adore cette édition, les pages sont d’un blanc lumineux, c’est épuré, la forme carrée est parfaite ! C’est toujours un délice de lire dans cette édition.)