Le gosse. Véronique Olmi

Le gosse, c’est l’histoire de Joseph, né en 1919 à Paris. Le début du roman est plutôt heureux, bien que son père soit mort presque à sa naissance, il vit à Bastille, à Paris avec sa mère, plumassière et sa grand-mère. J’ai aimé ces premiers chapitres qui témoignent d’une enfance heureuse et insouciante. Sa mère est pétillante, un peu artiste dans l’âme et la grand-mère est une âme douce et délicate. ON sent un foyer uni et heureux bien que vivant dans la modestie. Joseph est un enfant qui va à l’école, qui apprend sérieusement et qui aime apprendre à lire et à écrire. Mais sa mère décède, il parvient à vivre seul avec sa grand-mère durant quelques mois. Mais la grand-mère perd la tête et ses repères, elle est alors placée à l’asile. Joseph devient alors une pupille de l’Assistance publique. Il va alors être placé dans une famille, la ferme des Maldue, c’est là qu’il découvrir la musique et le cornet notamment : « Il repense à Pépère, ce pauvre alcoolique qui n’avait personne à qui léguer ce qu’il avait de plus précieux. Il se revoit le suppliant pour avoir l’embouchure et quelques mots d’enseignement. La musique n’est pas un rêve. » (p. 292)

Mais très vite, il va être envoyé à la Maison d’éducation correctionnelle, c’est-à-dire la prison de la Petite Roquette. Il va y découvrir la vie des « colons », ces enfants placés, mal-nuttris, exploités, violentés… peu à peu il ne sait plus lire ni écrire… il apprend à se méfier des surveillants, des caïds. Il apprend à baisser les yeux et à se taire. Pourtant l’amour grandit en lui. La musique va lui offrir une échappatoire, une chance. Ce qui m’a marqué, c’est ce sentiment qu’a Joseph, de penser qu’être de l’Assistance se voit. Il a le sentiment d’être marqué dans sa chair d’être un ancien de l’Assistance. « Te voilà, alors, petite gueule. Te voilà. Ah oui ils sont noisette. Noisette pour les intimes. Marron pour l’Assistance. Mais t’as une gueule d’Assistance, et tu l’auras toujours. » (p. 219)

Le milieu du roman perd un peu de son rythme, en revanche la fin est bien menée (sauf la page finale qui m’a un peu laissée sur ma faim). J’ai trouvé intéressant que le roman rejoigne l’histoire avec l’évocation du Front populaire, des grèves dans les usines et puis la mutinerie du pénitentier de Belle-île (le sujet du roman de Sorj Chalandon). Ce qui m’a marqué dans le roman, c’est la difficulté de Joseph à s’exprimer. Il parle peu et encore moins de sentiment. Il subit constamment et semble ne pas oser prendre de décision. C’est peut-être ce qui m’a manqué dans ce roman. J’ai trouvé que le personnage était loin, ses émotions ne sont que sous-entendues et son point de vue est implicite, ça m’a un peu gêné pour m’attacher pleinement à Joseph. Néanmoins il est évident que ce roman est poignant car on voit à quel point un système sensé protéger les enfants est en réalité d’une violence incroyable et cruelle, comme personne n’est là pour les défendre, ils sont violentés et maltraités et le système cautionne.

Beaucoup moins puissant que L’enragé de Sorj Chalandon, ce roman parle de ces mêmes enfants, ceux de l’Assistance, ceux qui subissent mille brimades et violences. Lisez en premier Véronique Olmi, puis foncez lire celui de Sorj Chalandon, voici l’événement au coeur de son roman : « Cet été des colons se sont évadés du pénitencier de Belle-île, les habitants et même les touristes, les ont chassés toute la nuit, je croyais que tu le savais. Tout le monde en a parlé. Un poète a même écrit un poème là-dessus, « La chasse à l’enfant », Jacques Prévert, tu connais pas ? » (p. 280)

Porca miseria. Tonino Benacquista

Je me réjouissais de lire ce roman mais c’est en réalité une petite déception. Si j’ai trouvé la première partie intéressante, j’ai ensuite trouvé des longueurs dans la seconde partie de l’histoire. Néanmoins je garde un bon souvenir de ce roman qui évoque l’émigration et l’intégration d’une famille italienne. Ce qui m’a surtout interpellé c’est le rapport à la langue.

En 1954, la famille Benacquista s’installe en banlieue parisienne. Cesare et Elena ont cinq enfants, mais Tonino est le seul à être né en France. C’est lui qui, dans ce récit, raconte l’histoire des déracinés. Cesare sombre dans l’alcool, Elena dans la dépression car elle vit très mal son immigration. L’auteur raconte avec nostalgie cette enfance en France.

Et il y a le rapport aux livres, rapport ambigu car Tonino est à la fois très attiré et en même temps il ne se met à lire que très tardivement. « M’inviter dans ce récit est un acte grave. » (p. 54) Les livres lui font peur, les mots l’intimident. Cette question de la langue est intéressante car sa mère ne parle pas le français mais les enfants le parlent parfaitement. J’ai beaucoup aimé ces lignes sur Cyrano : « Son éloquence est un outil de séduction autant qu’une arme, et le respect qu’il pourrait obtenir par le fer, il l’obtient par le verbe » (p. 117). Une littérature qui se refuse d’abord à lui malgré son goût des histoires mais peu à peu il parvient à appréhender la littérature, les livres vont ensuite le nourrir. La culture que ses parents n’ont pas réussi à lui transmettre (car ils ne l’ont pas) passera par les livres. Un joli message le goût des mots !

L’Enragé. Sorj Chalandon

Si je suis entrée très lentement dans ce roman, la dernière page tournée je suis triste de l’avoir terminé. Plus je le lisais, plus j’aimais. Je me suis même réveillée à 3h du matin pour essayer de le finir, l’histoire me trottait en tête et je voulais savoir ce qu’il arrivait au héros. Je suis donc très heureuse de cette découverte, c’était la première fois que je lisais Sorj Chalandon et je pense que je vais regarder de plus près ses autres romans.

L‘Enragé, c’est le héros: Jules Bonneau, surnommé La Teigne, retenu à la colonie pénitentiaire pour mineurs de Belle-Île-en-Mer. Pas de père, une mère qui l’abandonne, des grands-parents qui n’en veulent pas alors à 13 ans, après avoir volé trois oeufs, il se retrouve enfermé avec plein d’autres enfants. Sa vie est désormais sur cette île, entre quatre murs entre des surveillants violents et méprisants, avec des sévices fréquents… C’est là que ces enfants grandissent rabaissés, humiliés au quotidien mais pour prouver leur supériorité entre eux, ils se font violence, la colère les agite. Dans cette maison de redressement, les enfants deviennent des fauves agressifs. En août 1934, les gamins se révoltent et parviennent à prendre le dessus sur les surveillants, quelques uns s’échappent. La chasse aux enfants est alors ouverte sur l’île. Contre 20 francs, les habitants les livrent, retour au bagne où les sévices vont reprendre. Mais un échappé manque à l’appel, c’est Jules. Où se cacher sur une île ? Comment fuir ? Comment se dissimuler alors que sa tenue et son crâne rasé l’identifient comme un échappé ? C’est sa rage qui le fait avancer. Le regard féroce et les poings fermés, Jules Bonneau parvient à ne pas être repris. Le romancier va alors raconter son parcours. Jules va alors apprendre à faire confiance. J’ai trouvé les personnages secondaires extrêmement touchant de réalisme, des hommes et des femmes bons mais avec des failles, des hommes et des femmes généreux tout en se préservant. Tout le long du roman, j’ai espéré la paix pour ce jeune homme, le repos et la tranquillité mais son passé ne cesse de le tracasser et de revenir vers lui. Le récit à la première personne donne sa voix à entendre, un cri plutôt. C’est triste ce destin et cette vie : comment avancer la rage au coeur ? la rancoeur dans les tripes ? la fureur en soi ? peut-on seulement se remettre de ces souffrances subies ?

« C’était quoi la morale ? Laisser le bouillon à un enfant et garder la viande pour soi ? Que faisait-elle pour moi, la morale ? Et l’instruction civique ? Et le « tu aimeras ton prochain comme toi-même », psalmodié, j’en faisais quoi ? Il me déteste, mon prochain. » (p. 76)

J’ai eu beaucoup de peine pour ces enfants qui n’avaient rien demandé et qui sont maltraités dans cette colonie aux allures de bagne; des enfants qui ne reçoivent jamais d’amour ou de tendresse et qui deviennent des hommes cruels. Ce roman est terrifiant car il s’agit d’une histoire vraie, c’est d’une noirceur et d’une cruauté infinie, celle d’une enfance meurtrie.

« Jamais je n’avais autant frappé de ma vie. … Je nettoyais sept ans de bagne à grande eau. A coup de hargne. J’étais enragé. Je respirais. Je vivais. » (p. 115)

Aracoeli. Elsa Morante

Ce livre je n’en avais jamais entendu parler avant que je ne fasse des recherches sur la littérature italienne. Elsa Morante, le nom me disait vaguement quelque chose, j’ai regardé et j’ai trouvé ce roman à la couverture séduisante et puis la 4e de couverture était tentante « l’un des plus déchirants portraits de femme que la littérature contemporaine nous ait donné. »

C’est vrai. Mais c’est un portrait comme on n’en a peu l’habitude d’en lire. Aracoeli est la mère du narrateur, Manuele, une mère qui le fascine, qui le hante, une mère décédée dans son enfance… adulte mal dans sa peau, sans perspective, Manuele décide de partir sur ces traces, en Andalousie, à Almeria, le village natal de sa mère. « Mauvaise nuit à toi, Aracoeli, qui as reçu la semence porteuse de moi comme une grâce, et qui l’as couvée dans la douce chaleur de ton ventre tel un trésor.  » (p. 155) Aracoeli est un récit de la mémoire, il évoque son enfance dans le quartier population de Monte Sacro, puis dans les Hauts quartiers et enfin le Piémont chez ses grands-parents paternels, pendant la Guerre (le père incarne l’image de l’absent). Aracoeli est un personnage obsédant, à la fois Madone et putain, elle est belle et son fils l’aime autant qu’il la déteste.

La narration alterne alors entre les souvenirs d’enfance qui dresse ce portrait mais surtout la compréhension des souvenirs ou des images vues enfant. Il prend conscience, il ouvre ses yeux, il s’éveille à une réalité qu’il ne voyait pas enfant. La vie n’est pas enchantée dans ce roman, c’est le regard choisi qui l »enchante. Le roman trace une métaphore filée sur la question du point de vue, d’ailleurs, Manuele (qui se trouve laid) est myope et c’est souvent qu’il enlève ou remet ses lunettes pour voir différemment. « Avoir déjà été le complice et le dépositaire d’autres de ses secrets, c’était mon mérite caché, et d’autant plus précieux pour moi que ces secrets-là me restaient, tous, sous figure d’énigme. » (p. 438)

La lecture fut longue, j’ai eu un gros passage à vide en cours de roman. J’ai alors fait une pause en lisant un autre livre et puis pour terminer les dernières pages je m’étais fixée un objectif de lecture afin d’avancer et finalement cela a relancé ma lecture et j’ai réussi à raccrocher à l’histoire. La première partie est un peu difficile, je comprenais mal le personnage, je n’arrivais pas à m’y attacher mais la 2e partie est plus intéressante et le personnage du narrateur est plus compréhensible ce qui le rend plus intéressant.

Soleil Amer. Lilia Hassaine

Voici un roman que j’ai beaucoup aimé. Je trouve qu’il est emprunt de nostalgie. Le roman débute etn 1959 et s’achève en 1997. Une fresque familiale, l’histoire de deux générations. Saïd a quitté l’Algérie pour venir travailler en France dans une usine automobile, il a laissé sa femme et ses enfants en Algérie mais après plusieurs années de séparation il parvient à les faire venir. Alors qu’elle s’attendait à une vie plus fastueuse, Naja découvre la région parisienne, les HLM et l’espace étroit, les fins de mois difficiles d’autant qu’elle tombe rapidement enceinte. Mais elle découvre aussi une solidarité entre voisines. A cela s’ajoute l’histoire d’un mensonge. Un mensonge familial qui pèse grandement… « Mais les secrets qu’on enterre ne meurent pas pour autant. s’ils n’éclatent pas au grand jour, ils exhalent des vapeurs contre lesquelles on ne peut rien. » (p. 38)

La nostalgie réside sur cet âge d’or des cités HLM, l’époque où les fontaines coulaient l’été pour rafraîchir les enfants, l’époque où un centre de loisirs occupaient enfants et adolescents durant les congés, l’époque où les habitants se réussissaient pour faire des barbecues en bas des immeubles, l’époque où il y avait des espaces verts… et puis tout se détériore, la peinture se fissure, l’ascenseur tombe en panne, les fontaines aussi, l’espace vert devient une nouvelle tour et les gens s’éloignent… L’utopie du vivre ensemble s’effondre les années passant. C’est amer ces désillusions… et puis l’autrice raconte l’arrachement à son pays d’origine, l’envie de conserver les traditions tout en voulant s’intégrer, cette oscillation permanente et puis le conflit de générations : les parents qui vivent avec leurs traditions algériennes et les enfants, pleinement intégrés, qui rejettent ses traditions… « Il oscillait entre deux pays, entre deux projets, et élevait ses enfants dans la même dualité. La dualité comme identité, c’était déjà une contradiction, il n’existait pas de mot pour dire « un et deux » à la fois. » (p. 78)

Avec une attention forte accordée à la psychologie, Lilia Hassaine décrit avec douceur les désillusions de cette famille, les fissures qui apparaissent et détruisent peu à peu. A travers l’histoire de cette famille, elle parle du mariage forcé, de la condition des filles, du racisme, de la gémellité, du sida…

Je l’ai lu en deux jours à peine, les chapitres sont courts et s’enchaînent de manière très rapides, comme des photographies de période. J’aurais peut-être aimé davantage de profondeur dans le récit ou que la narration s’attarde sur certaines scènes mais c’est aussi ce qui en fait son charme.

En nous beaucoup d’hommes respirent. Marie-Aude Murail

 » Notre amour est réglé par les calmes étoiles /  Or nous savons qu’en nous beaucoup d’hommes respirent /  Qui vinrent de très loin et sont un sous nos fronts »… à partir de ces vers de Guillaume Apollinaire, elle réfléchit à sa saga familiale. Au décès de son père, elle découvre un trésor : des lettres, des cartes, des photographies… les archives familiales ! Ses ancêtres, hommes et femmes, reprennent vie sous sa plume et une vie plutôt romanesque.

Elle raconte son parcours : celui d’une petite fille passionnée de littérature qui devient écrivain pour jeunesse. J’ai aimé sa remarque sur le fait que l’écrivain pour jeunesse s’adresse à un public toujours jeune d’où son besoin de se renouveler. Elle évoque cela quand elle parle des classes qu’elle visite (je n’avais moi-même pas réalisé que j’ai la jeunesse éternelle devant moi alors que l’écart se creuse entre eux et moi). C’est une image que j’ai aimé. Beaucoup de pages sont intimes. Elle parle de son enfance, de ses désirs, de la maternité, de la sexualité, de sa découverte et de son amour pour Dickens. Elle se livre avec tendresse, courage et authenticité. C’est sensible et drôle parfois.

J’ai adoré toute la documentation : des photographies de famille, des menus, des pages manuscrites issues de carnets intimes ou de lettres. (J’en profite pour parler de l’édition très belle, des pages blanches, très blanches, bien épaisses, vraiment très joli travail !) Ce qu’il y a de très beau dans cette autobiographie, c’est qu’elle tisse un lien entre ses souvenirs et ses écrits: « D’où vient mon goût pour les histoires qui finissent bien ? Même dans la vraie vie, même dans les histoires ‘based on a true story’, j’attends obstinément l’heureux dénouement. » Mais dans ce recueil de souvenirs elle évoque sa passion pour l’enfance et sa passion pour la jeunesse « J’aime les jeux d’enfant, les mots d’enfant, les chansons d’enfant, les histoires d’enfant. C’est la culture des enfants que j’aime, les Barbapapa, Nils Holgersson et Cadet Rousselle. J’ai toujours aimé.. »

Ce livre a une construction curieuse, c’est à la fois très personnel et intime mais il a presque une construction romanesque ou bien le récit tel qu’il est mené m’a paru plus romanesque qu’autobiographique (je parle bien de la manière dont c’est raconté et non du contenu qui ne fait pas l’ombre d’un doute, c’est une autobiographie).

De l’histoire d’amour de ses grands-parents, à celle de ses parents puis à la sienne, les liens sont plus thématiques que chronologiques mais elle tisse des ponts entre ces trois générations d’hommes et de femmes dont elle préserve l’ héritage :  » En moi beaucoup de femmes respirent qui vinrent de très loin et sont une sous mon front. »

La maison qui s’envole. Claude Roy

Je vais être très rapide sur la présentation de ce roman pour jeunesse. Je l’ai trouvé un peu désuet. J’aimerais avoir l’envie d’un enfant, à mon avis il être idéal pour un très bon lecteur de 8 ans, au-delà de 10 ans, j’ai l’impression que le côté trop poétique et merveilleux ne fonctionnera pas (peut-être que je me trompe fortement). Si j’ai bien aimé l’intrigue, j’ai trouvé que le rythme manquait, que la plume très poétique et très belle de Claude Roy ne servait pas ici la lecture et, pour ma part, elle m’a plutôt endormie. Je pense qu’une réécriture moderne pourrait être, en revanche, un excellent point de départ d’un sujet de production écrite. De plus je n’ai pas trouvé les personnages très intéressants, les enfants ne sont pas touchants et hormis les jeux de l’enfance comme thématique je pense que je vais vite oublier ce roman.

Les enfants de M. et Mme PEtit-Minet sont laissés sous la surveillance du grand-père alors qu’ils sont partis passés des vacances loin de la Maison et des enfants. Mais le grand-père aime trop faire la sieste pour surveiller de près les enfant mais voilà qu’Hermine, Jules, Eric et Jacques se mettent à démonter la maison toute entière. Mais la maison ne se laisse pas faire et les objets décident de se révolter… Voilà je suis donc déçue par cette nouvelle…

Persépolis. Marjane Satrapi

Des années que je devais le lire et puis cette année, je l’ai enfin ouvert. Marjane Satrapi raconte les événements qui ont rythmé sa vie, de Téhéran à Paris. J’ai beaucoup aimé les deux premières parties qui raconte son enfance à Téhéran, la suite (lorsqu’elle vit à Vienne) m’a moins intéressée. Le récit débute lors de son enfance et se poursuit jusqu’à l’entrée à l’âge adulte. la narration est menée comme avec des petits chapitres, tantôt drôles, tantôt touchants, tantôt dramatiques lorsqu’elle évoque les changements qui ont lieu dans son pays, l’Iran.

Elle vit dans une famille aimante, cultivée et libérale. Fille unique, elle est libre et vie une enfance insouciante. Elle a un caractère fort et le récit est marqué par une réflexion critique de ce qu’elle vit. Enfant elle est confrontée à la chute du Shah et aux restrictions de liberté. Elle raconte les arrestations, les peurs, le rejet de l’opposition. Elle décrit la révolution islamique de son point de vue d’enfant. Le regard est donc très personnel et elle raconte différentes anecdotes. J’ai particulièrement aimé toutes les petites anecdotes qui racontent les petites résistances, des achats de disque, au maquillage en passant par la mèche qui dépasse du foulard. L’autrice s’attarde sur les conditions des femmes et des adolescents et montre que (dans son milieu en tout cas) la résistance est presque la règle, les fêtes sont pas exemple très fréquentes malgré les interdictions.

Pour la protéger et qu’elle puisse continuer à étudier, ses parents l’envoient à Vienne. Mais là aussi, Marjane Satrapi porte un regard critique sur cette société occidentale. Elle perd ses repères, se sent seule et isolée, elle tombe dans une forme de dépression face à cette société occidentale qui est beaucoup moins solidaire et hospitalière que son Iran natal.

Le graphisme est simple, peu de détails. Les dessins ne sont pas enthousiasmants, j’ai trouvé qu’ils ne me permettait pas de m’attacher au personnage. Marjane Satrapi ne choisit que deux tonalités : le noir et le blanc. Persépolis est un roman qu’il faut avoir lu ; c’est un témoignage sur l’Iran des années 70 et c’est l’histoire d’une jeune fille qui rend hommage à ses parents et à sa culture.

Violette Hurlevent et le jardin sauvage. Paul Martin, J. B Bourgois

Allez, il n’est pas encore trop tard pour parler de cette lecture qui m’a accompagnée pendant les derniers jours de décembre. « Le jardin était figé. Oublié depuis bien longtemps. » Violette Hurlevent entre dans ce jardin le jour où elle doit échapper de toute urgence de la maison de sa mère. Elle découvre alors des créatures étranges et un univers immense qui a sa propre temporalité et ses propres règles. Les loups parlent, les cailloux aussi… Mais dans ce magnifique jardin, les périls sont nombreux. Avec son chien Pavel, qui devient son destrier d’aventure, Violette va devoir affronter plusieurs menaces et celle en particulier de la Grande Tempête.

Ce récit est ponctué de magnifiques illustrations qui plongent le lecteur dans un univers poétique, magique et merveilleux. C’est un vrai conte initiatique, Violette apprend, elle devient plus forte et les dangers du jardin sauvage lui donnent la force d’affronter ceux de sa vie réelle. Je me suis laissée facilement entraînée dans ce monde imaginaire pour suivre les aventures de Violette au coeur de la nature. Ce roman n’est pas seulement un roman d’aventures, c’est aussi une réflexion sur le pouvoir de l’imagination contre les épreuves de la vie. J’ai pensé au Minimoys, à Alice au pays des merveilles, à Tobie Lolness de Timothée de Fombelle… c’est un mélange de tous ces contes et en lisant ce récit on retrouve son âme d’enfant.

Même si j’ai été enthousiasmée et portée par la beauté de la narration associée aux dessins, je dois reconnaître que j’ai trouvé qu’il y avait parfois des longueurs. Il existe un tome 2, Violette Hurlevent et les fantômes du jardin, si j’avais je le croise à la bibliothèque, je pense que je céderai tant Violette est attachante.

Les inséparables. Simone de Beauvoir

Les inséparables – Simone de Beauvoir
(L’Herne)

Lorsque Les Classiques, c’est fantastique mettent à l’honneur l’amitié, j’ai tout de suite pensé à ce roman de Simone de Beauvoir ; le titre même célèbre l’amitié. Ce surnom fut donné à Simone et Zaza par des professeurs. Alors il s’agit bien d’un roman mais l’inspiration autobiographique y est très forte. D’ailleurs, c’est drôle, j’ai eu l’impression de relire les Mémoires mais avec un autre règle, avec davantage de précision et puis les prénoms ont changé. Même si la narratrice parle à la première personne, c’est Sylvie (et non Simone) qui raconte cette amitié si extraordinaire avec Andrée. On retrouve dans ce texte l’éducation bourgeoise contre laquelle Andrée se dresse et qu’interroge Sylvie dans un premier temps, beaucoup moins avancée dans la révolte et la remise en cause que son amie. Andrée rêve de jeter tous les carcans, elle rêve d’émancipation et se heurte aux bien-pensants et surtout à ses parents. On retrouve donc toutes les thématiques abordées dans les Mémoires d’une jeune fille rangée.

Je me sens bien dans la plume de Beauvoir, j’aime la lire. Je trouve les mots reposants et touchants. C’est une relation fusionnelle et passionnée: « Nous disions des banalités, comme de grandes personnes ; mais je comprenais soudain, avec stupeur et joie, que le vide de mon coeur, le goût morne de mes journées n’avaient eu qu’une cause : l’absence d’Andrée. Vivre sans elle, ce n’était plus vivre. » (p.41). Au fur et à mesure, la relation va s’équilibrer, Andrée aura de plus en plus besoin de Sylvie et la correspondance entretenue par les deux jeunes filles est d’une élégance rare.

« On m’avait appris que je devais aimer également papa et maman : Andrée ne cachait pas qu’elle préférait sa mère à son père. » (p. 34) : voilà ce que cette rencontre permet, Sylvie s’interroge sur son éducation, sur les relations amoureuses, sur l’émancipation féminine. C’est en cela (je pense) que cette relation amicale fut déterminante pour la construction de Simone de Beauvoir. On sent dans ce roman (mais aussi dans les Mémoires toute l’admiration de Simone pour Zaza).