La mort d’Olivier Bécaille. Emile Zola

Toujours dans mes lectures fantastiques, j’ai retrouvé Emile Zola et ce recueil de quatre nouvelles. J’ai beaucoup aimé ce recueil : les nouvelles traitent de sujets variés (même si l’axe prioritaire est la mort), les tonalités sont différentes, un peu de burlesque, d’ironie, d’humour; l’ensemble est léger mais pas seulement.

La mort d’Olivier Bécaille est la nouvelle qui ouvre le recueil : « c’était un samedi, à six heures du matin, que je suis mort après trois jours de maladie. » Voilà la première phrase. Le narrateur, c’est Olivier Bécaille, il raconte ce qui se déroule autour de son corps, les pleurs de sa femme, les venues des voisins/voisines, la visite du médecin. Il est immobile mais entend, son intelligence et sa capacité de raisonnement semble fonctionner mais son corps est figé. Il assiste impuissant aux faits et gestes de son entourage. Et puis il comprend qu’il va être enterré. Ce que j’ai aimé c’est la tournure que prend la nouvelle, je n’en dis pas plus, lisez !

Nantas, celle que j’ai le moins aimée alors en quelques mots : un jeune homme, ambitieux professionnellement décide de se rendre à Paris pour réussir, mais un mariage mal assorti le mènera à sa perte… une satire de l’ascension sociale, un thème cher dans la littérature du XIXe siècle.

L’Inondation : une nouvelle que j’adore et dont j’avais parlé ici. Elle a résonné bizarrement en ces semaines de pluie très intense par chez moi. Toute dramatique qu’elle est, je la trouve belle et poétique, bourrée de références littéraires et religieuses. Elle me touche par le drame qu’elle raconte et elle rappelle à quel point la vie humaine est peu de choses.

Enfin Les Coquillages de M.Chabre : un ton drôle et un narrateur qui se moque tellement de M. Chabre. C’est un récit sur la fertilité et l’aspiration à être père. M. Chabre, marié à la belle et jeune Estelle, désespère de ne pas parvenir à avoir d’enfants. Alors sur les conseils d’un médecin, il se rend en Normand pour manger des coquillages. Alors il dévore des moules, il déguste des huitres… il suit son régime mais en oublie de sa femme. Ce bourgeois parisien est ridicule mais il reste touchant, obnubilé par son désir de paternité, il se régale à pêcher à la crevette et à l’arpenter la plage à la recherche des bons coquillages. Une petite histoire plaisante !

Le fantôme de Canterville (et autres contes). Oscar Wilde

Lecture de saison… des fantômes, des meurtres et des intrigues sombres… Quatre nouvelles dans ce recueil que j’ai beaucoup aimé. Je n’avais pas lu Oscar Wilde depuis mes études de lettres et ce fut très agréable : l’intrigue est parfaitement construite et il y a une petite touche anglaise entre humour et sarcasme fort plaisante.

Le fantôme de Canterville, première nouvelle de ce recueil est drôle : des aristocrates américains, les Otis, achètent un manoir anglais. Dans celui-ci, le fantôme veut accomplir son travail de fantôme mais on n’effraie pas des Américains comme on effraie des Anglais. C’est drôle ce fantôme qui fait tout pour les effrayer… aucun de ses tours ne fonctionne. « Il était de son devoir d’apparaître dans le couloir une fois par semaine. » (p. 39). La tradition du roman gothique est complètement déjouée avec ce récit. « C’est le sang de Lady Eleanore de Canterville, qui fut assassinée en cet endroit même son propre mari, Sir Simon de Canterville, en 1575. Sir Simon lui survécut neuf ans, et disparut tout à coup dans des circonstances fort mystérieuses. Son corps n’a jamais été découvert, mais son esprit, coupable de meurtre, hante encore le manoir. Cette tache de sang a été très admirée par tous les visiteurs, et il est impossible de l’enlever. – Tout ça, c’est de la blague, s’écria Washington Otis, le Super-Kinettoy et Extra-Détersif Pinkerson enlèvera ça en un rien de temps. » (p. 20) C’est dur pour ce fantôme, pauvre spectre qui ne fait plus peur ! Cette nouvelle est aussi l’occasion de montrer des Américains caricaturaux, convaincu que tout peut s’acheter et peu sensibles aux histoires d’âmes. Incarnations du matérialiste, ils sont les opposés des Anglais si soucieux et respectueux des légendes. Mais comme c’est un conte, il y a une morale (bien conventionnelle) : l’amour triomphe.

Le crime de lord Arthur Savile est le deuxième conte de ce recueil. Cette fois-ci nous sommes plongés dans le monde de chiromanciens, curieux lord Arthur Savile se laisse conter les prédictions. Il fera ensuite tout pour réaliser le destin annoncé et pourtant ce n’est pas chose aisée. Dans cette satire, lord Arthur se montre à la fois crédule et persévérant. Le ton est léger et c’est un petit récit fantastique pour une soirée d’hiver.

Ensuite viennent deux tous petits récits de dix pages seulement : Le Millionnaire modèle ressemble davantage à une fable et Le Sphinx sans secret, récit que j’ai le moins apprécié du recueil. Je suis très contente d’avoir lu ce recueil. Les quatre récits sont très différents, policier, fantastique, fable et c’est agréable grâce à l’ironie et l’humour. Il ne fut pas prendre au sérieux ces récits et ne pas chercher à les comparer aux contes de Maupassant, ça n’a pas du tout la même puissance en terme de richesse stylistique et de mystère mais ce sont des récits originaux et intelligent.

Double assassinat dans la rue Morgue. Edgar Allan Poe

Petite nouvelle d’Edgar Allan Poe, Double assassinat dans la rue Morgue est considéré comme l’ancêtre du roman policier moderne, l’auteur américain, traduit par Baudelaire, serait l’un des précurseurs du policier.

Néanmoins, j’ai eu des difficultés à entrer dans l’histoire, j’ai trouvé l’histoire dense, à la limite de l’indigeste parfois, le récit n’était pas très clair, je ne voyais pas trop où allait l’histoire et puis dans les dernières pages, j’ai trouvé le récit mieux construit, l’intrigue gagnait en intensité et en intérêt, j’ai en oublié les longueur.  L’histoire se déroule à Paris, vers les années 1830. Dans leur appartement, une vieille femme et sa fille sont assassinées dans des conditions atroces. L’une est égorgée et défenestrée, l’autre… Les piétons parlent de cris horribles, de paroles incompréhensibles, aiguës, puissantes. Quand la police pénètre dans l’appartement, elle découvre les corps et un appartement sans dessus dessous. Mais surtout toutes les portes sont fermées de l’intérieur, et les fenêtres aussi. J’ai souvent pensé au Mystère de la Chambre jaune de Gaston Leroux (s’en est-il inspiré ? il faudrait que je cherche). Ce que j’ai aimé dans ce récit, c’est aussi la description de Paris, un Paris sombre, un Paris avec des petites ruelles, un Paris mystérieux. Il y a une atmosphère dans cette petite nouvelle. « L’autorisation fut accordée, et nous allâmes tout doit à la rue Morgue. C’est un de ces misérables passés qui relient la rue Richelieu à la rue Saint-Roch. C’était dans l’après-midi, et il était déjà tard quand nous y arrivâmes car ce quartier est situé à une grande distance de celui que nous habitions. » (p. 26)

Avec ce récit, je lance les lectures d’octobre, les lectures un peu sombres avec des meurtriers ou des fantômes !

La maison. Julien Gracq

Gracq ce fut ma révélation en 2008, l’année de l’agrégation. Un coup de coeur absolu, j’ai presque tout lu ensuite, attirée par son écriture que je trouve habitée et son univers enchanteur. Et puis plus rien… Alors ce récit inédit ne pouvait que me tenter.

Dans La maison, j’ai retrouvé ce que j’ai profondément aimé chez Julien Gracq : son écriture mystérieuse, ses récits sont comme habités par une âme. Ce sont essentiellement des sensations et des impressions, l’action est comme dans un brouillard, un halo (je ne sais pas si je suis très claire mais c’est difficile à décrire cette impression de lecture), on pressent davantage les actions qu’on ne les lit. C’est assez particulier. Une fois de plus, on trouve les thèmes chers à l’auteur : les sous-bois, la forêt comme dans Un balcon en forêt… Et puis il y a la beauté de la langue : le vocabulaire est très recherché, les phrases sont longues composées de plusieurs métaphores, il utilise souvent plusieurs synonymes et procéde par accumulation. Les phrases se déplient petit à petit. Et les mots délicatement choisis font accéder à un monde enchanteur.

Dans ce court récit, on retrouve donc les thèmes des autres romans de Julien Gracq : la guerre, la forêt, une maison abandonnée, l’eau qui coule, la question de la frontière, de la lisière. Pendant l’Occupation, depuis un car, traversant une route de campagne, le narrateur distingue une maison. A force de la voir, il décide de passer par le sous-bois pour l’approcher. « Après quelques allées et venues assez incertaines au long de la route, l’envie me vint une minute, devant cet obstacle absurde, de renoncer à mon équipée – mais la curiosité fut plus forte. Tentant ma chance auprès de la borne qui marquait à peu près le centre de la lisière, je sautai le fossé plein d’eau et je m’enfonçais dans les taillis » (p. 15) De ce point de départ plutôt réaliste le récit bascule dans un autre monde, une autre dimension. Cette marche sensuelle devient une quête et confère une dimension mystique à cette maison. « … ici pour toujours une porte s’était refermée, une lumière avait été soufflée, une pensée vivante était soudainement entrée en hivernage. » (p.22)

Dernier petit point si vous n’êtes pas encore convaincu : dans l’édition, il y a les deux manuscrits de Julien Gracq, la première version très annotée et corrigée et son deuxième jet, je trouve ça très beau de voir l’évolution du manuscrit, très touchant. Mais ce n’est pas tout, il y a aussi une postface très intéressante notamment sur l’histoire de ce récit : de quand date-t-il ? avant ou après quelques oeuvres ? est-il en partie autobiographique ?

La maison qui s’envole. Claude Roy

Je vais être très rapide sur la présentation de ce roman pour jeunesse. Je l’ai trouvé un peu désuet. J’aimerais avoir l’envie d’un enfant, à mon avis il être idéal pour un très bon lecteur de 8 ans, au-delà de 10 ans, j’ai l’impression que le côté trop poétique et merveilleux ne fonctionnera pas (peut-être que je me trompe fortement). Si j’ai bien aimé l’intrigue, j’ai trouvé que le rythme manquait, que la plume très poétique et très belle de Claude Roy ne servait pas ici la lecture et, pour ma part, elle m’a plutôt endormie. Je pense qu’une réécriture moderne pourrait être, en revanche, un excellent point de départ d’un sujet de production écrite. De plus je n’ai pas trouvé les personnages très intéressants, les enfants ne sont pas touchants et hormis les jeux de l’enfance comme thématique je pense que je vais vite oublier ce roman.

Les enfants de M. et Mme PEtit-Minet sont laissés sous la surveillance du grand-père alors qu’ils sont partis passés des vacances loin de la Maison et des enfants. Mais le grand-père aime trop faire la sieste pour surveiller de près les enfant mais voilà qu’Hermine, Jules, Eric et Jacques se mettent à démonter la maison toute entière. Mais la maison ne se laisse pas faire et les objets décident de se révolter… Voilà je suis donc déçue par cette nouvelle…

Rêves de femmes. Virginia Woolf

Virginia Woolf… j’ai bien tenté, Les Vagues, Le Phare, Mrs Dalloway, sans grand succès. J’ai donc, pour le challenge Les classiques, c’est fantastique, opté pour des récits courts, des nouvelles en me disant que mon esprit arriverait à davantage se concentrer et à ne pas se perdre dans les mots de Virginia Woolf. J’ai donc choisi Rêves de femmes un recueil de six nouvelles précédé de l’essai Les femmes et le roman. Ces six nouvelles s’étendent sur toute la carrière de l’autrice et mettent en avant l’autonomie et le désir des femmes.Bien que les thèmes soient abordés sont intéressants, mon esprit ne se fixe pas sur les mots de l’autrice. Je ne sais pas pourquoi, je lis mais sans comprendre, sans accrocher, sans faire de lien, bref sans grand plaisir. Il y a deux nouvelles que j’ai trouvé plus touchantes : Dans le verger : une jeune femme, dans un jardin, des échos à Alice au pays aux merveilles… et la deuxième nouvelle Lappin et Lapinova, fable à la fois cruelle et touchante d’un couple et de son mariage. Suivre les différents rêves de ces femmes m’a dont été difficile vous l’aurez compris…

L’essai initial est en revanche très intéressant. Il sera repris et développé dans un essai Une chambre à soi. Elle y parle émancipation des femmes et évoque le lien entre la littérature et les femmes : « Ceci introduit dans l’écriture des femmes une caractéristique dont l’écriture des hommes est dépourvue, à moins qu’il ne s’agisse d’un homme des classes laborieuses, d’un Noir, ou encore d’un homme conscient qu’un handicap l’entrave. […] Le désir de plaider une cause personnelle ou de faire des personnages les relais d’une insatisfaction ou d’un ressentiment a toujours pour effet de nous distraire, comme si le point sur lequel l’attention du lecteur doit se concentrer était soudain double et non unique. »

L’arbre qui chante. Bernard Clavel

Recueil de trois nouvelles de Bernard Clavel qu’on pourrait résumer en trois mots : douceur, poésie et nature. J’ai beaucoup aimé l’écriture de Bernard Clavel : il y a de la poésie dans ses phrases, de la tendresse, de l’humanité dans ses personnages et de la simplicité dans ses histoires.

« C’était un matin de janvier. Un de ces beaux matins blancs qui ont du givre à leurs moustaches et des yeux pétillants de soleil. » Tout est dit dans cette phrase métaphorique que je trouve magnifique, je vois les montagnes, la neige, le froid et les montagnards solides et sensibles. Il s’agit du début de la première nouvelle, celle qui donne son titre au recueil.

Le chien des Laurentides est la seconde nouvelle, celle que j’ai trouvé la moins enchanteresse, celle qui m’a la moins convaincue et pourtant il y est question d’une amitié indéfectible mais je ne sais pas la première nouvelle était poétique, la dernière plus militante, la seconde m’a paru un peu inférieure (ce n’est que mon avis, et j’ai pris plaisir à la lire).

Dans la troisième nouvelle « La maison du canard bleu » écrite en 1971, il y est question d’un vieux monsieur un peu étrange mais il s’avère être un protecteur de la nature et un défenseur des animaux : « Les gens considèrent que tout ces animaux-là sont inutiles, ils ont tort. Il n’y a pas un seul animal inutile sur notre terre. Il y a un belle équilibre de la nature, et si les hommes détruisent certains animaux, cet équilibre sera rompu. » Cet homme va être exproprié, son terrain et ses bois vendus à des agents immobiliers.

La nature et son respect, les liens familiaux, l’amitié, l’entraide sont au coeur des trois nouvelles. J’ai trouvé la langue riche, exigeante et gracieuse. Clavel s’adresse à un public jeune mais il n’en appauvrit pas pour autant le style, le vocabulaire est recherché, parfois désuet mais cela apporte du charme à ces récits.

C’est un recueil qui rejoindra le fond de ma classe, idéal pour de jeunes lecteurs en 6e (même avant pour de bons lecteurs), moi je pense surtout à mes 6e jardin) mais on pourrait aussi l’aborder en 5e avec le thème de l’homme et la nature.

L’inondation. Emile Zola

Quelle claque cette nouvelle ! J’ai trouvé ce texte très puissant. Il y a une montée dramatique très forte et une tonalité tragique indéniable. Zola maîtrise parfaitement son intrigue, ses personnages, son rythme. Louis Roubieu avait tout pour être heureux, une famille unie, une ferme, des récoltes abondantes mais les caprices de la météo vont en décider autrement. La Garonne déborde et sort de son lit. Les eaux pénètrent dans les rues : « Maintenant les vagues arrivaient en une seule ligne, roulantes, s’écroulant avec le tonnerre d’un bataillon qui charge. » Et puis l’eau va s’engouffrer dans les maisons, obligeant les habitants à monter aux étages puis sur les toits. La famille va lutter contre les forces de la nature. Comme dans tant de romans de Zola, la famille de Louis Roubieu est confrontée à la catastrophe, l’histoire d’une décadence familiale.

« L’eau rugissait. Des crachements d’écume mouillaient nos pieds. Nous entendions le gémissement sourd de la maison pleine d’eau, sonore, avec ses cloisons qui craquaient déjà. »

Zola s’inspire de la crue exceptionnelle de la Garonne en 1875 pour écrire cette nouvelle, un fait divers alors évoqué dans plusieurs journaux. Il donne un rythme haletant, un rythme tourbillonnant. à cette crue meurtrière à Toulouse. Il reste proche de la réalité de cet événement. Mais cette nouvelle ce n’est pas seulement le développement de ce fait divers, c’est aussi une réécriture de la scène du Déluge de la Genèse (j’en lirais quelques pages à mes élèves de 6e, je trouve que c’est un récit intéressante et ça me permettra de leur parler d’Emile Zola.

Le chef-d’oeuvre inconnu. Honoré de Balzac

Le chef-d’oeuvre inconnu – Honoré de Balzac (Le Livre de Poche 2009)

J’avais très envie de relire Honoré de Balzac depuis quelques temps, j’ai donc profité du challenge Les classiques, c’est fantastique (organisé par https://aumilieudeslivres.wordpress.com et https://pagesversicolores.wordpress.com) et du mois mettant à l’honneur L’art pour reprendre un petit Balzac (et j’ai choisi un petit 😉 une nouvelle ou plutôt un conte fantastique à la manière d’Hoffmann. Nous sommes à Paris, au XVIIe siècle, trois peintres discutent de leur art. Il y a Porbus, le portraitiste officiel de la cour, le jeune espoir Nicolas Poussin et maître Frenhofer, un vieillard un peu mystérieux. Les descriptions sur la vie artistique m’ont beaucoup plu, les descriptions des intérieurs des peintres, véritable caverne d’Ali Baba avec des toiles partout. Balzac classe cette nouvelle dans sa section « études philosophiques » et c’est un peu déroutant mais les échanges entre les personnages sont intéressants et la réflexion entre l’art et l’amour est intéressante. Si Balzac engage toute une réflexion autour de ce qu’est l’art, ce qu’est le beau, c’est aussi parfois un peu ennuyeux, la nouvelle est un peu trop lente et les personnages assez peu attachants.

Ma relecture fut donc un peu décevante (oserai-je reprendre un autre Balzac bientôt ?) en revanche quel bonheur de lire et relire de grands auteurs !

« Ta figure n’est parfaitement dessiné, ni parfaitement peinte, et porte partout les traces de cette malheureuse indécision. Si tu ne te sentais pas assez fort pour fondre ensemble au feu de ton génie les deux matières rivales , il fallait opter franchement entre l’une ou l’autre, afin d’obtenir l’unité qui simule une des conditions de la vie. Tu n’es vrai que dans les milieux, tes contours sont faux, ne s’enveloppent pas et ne promettent rien par derrière. » (p. 42)

L’homme qui plantait des arbres. Jean Gionio

L’homme qui plantait des arbres – Jean Giono (Folio+)

C’est un tout petit roman, une nouvelle pour être exacte mais que c’est beau, que la langue est belle ! C’est un récit qui a une dimension poétique forte. Cette histoire se déroule dans les Alpes provençales au début du siècle. L’atmosphère est douce et chaude, on est immergé dans ce terroir grâce à l’esthétique réaliste présente dans ce roman, mais il y a aussi des ressemblances avec le genre de la fable. Le narrateur rencontre un berger, Elzéard Bouffier, qui sème des glands par centaine. Cet idéaliste, solitaire, explique qu’il souhaite redonner vie à la forêt de chênes, de hêtres et d’érables qui existaient avant cette lande désertique. Donc il passe sa vie à semer, année après année (le récit se déroule jusque dans les années 50); les arbres poussent mais Elzéard Bouffier va de plus en plus loin pour étendre sa forêt. Le narrateur ne peut que constater le retour de la biodiversité, la rivière de plus en plus vive chaque année (elle qui était à sec dans la lande), les populations qui reviennent… Ce texte est donc une ode à la nature et à la création. La vie revient peu à peu dans cette contrée grâce à la patience et l’amour de la terre de cet homme qui lui consacre sa vie. Une très belle leçon !

Ce roman est une commande du magazine américain Thé Reader’s Digest qui en 1953 demande à Giono d’écrire pour la rubrique « Le personnage le plus extraordinaire que j’aie jamais rencontré « . Il faut savoir que le magazine critiqua Gionio d’imposture face à ce personnage tout droit sorti de son imagination. Mais pour Gionio l’important, c’est ici la dimension de légende, le récit aborde des questions essentielles notamment la question du progrès, est-il un danger pour la nature ou pas mais aussi la question de l’intervention humaine, la nature a-t-elle besoin de cette protection humaine pour vivre ou survivre ? Des questions assez novatrices en 1953.

« Je suis pris d’un immense respect pour ce vieux paysan sans culture qui a su mener à bien cette oeuvre digne de Dieu. »