Le goût de la tomate. C. Léon

Petit format, le temps d’une soirée, c’est parfait. Ce tout petit récit parle de liberté mais surtout du goût de la liberté. En effet les tomates sot un prétexte. Dans une société qui semble très restrictive, Marius et son fils ont dérogé à la règle, ils ont gardé de la terre et des graines de tomates. Ils n’ont pas le droit de rater leur plantation mais ils n’ont pas non plus le droit de montrer qu’ils jardinent. Les tomates sont donc derrière les vitres, au soleil mais pas trop de peur qu’un voisin ne s’en aperçoivent. J’ai aimé cette histoire dans laquelle Marius cherche à montrer à son fils le bonheur de cultiver, de posséder un jardin, de faire pousser. C’est un acte de résistance face à un régime totalitaire. Ce que j’ai aimé dans ce récit, c’est la plume de Christophe Léon. Les mots sont à peine dits, il évoque à mots couverts cet état totalitaire et ces restrictions des libertés, on ne sait pas grand chose hormis que l’état gouverne les jardins et l’alimentation tout en s’alliant avec les grands groupes agro-alimentaires. Mais Marius a envie de donner à son fils ce goût de la liberté.

Ce n’est pas un livre si facile à lire. Il faut du recul et un esprit critique mais c’est un livre qui parle de liberté et de transmission des valeurs avec en toile de fond un climat pesant. A lire à nos élèves pour lancer une discussion ! Dans cette édition, j’avais lu il y a quelques temps maintenu Les coquelicots de Claude Monet de Nathalie Bernard et j’avais beaucoup aimé, je vais donc aller plus souvent piocher dans cette petite collection.

Bacha Posh. Charlotte Erlih

Bacha Posh – Charlotte Erlih (Gallimard – Pôle fiction)

Que j’ai aimé ce roman ! Un roman destiné à la jeunesse et qui va très vite rejoindre ma bibliothèque, et que je vais très vite faire circuler de main en main. Ce roman raconte le combat émouvant d’une Afghane qui rêve d’une vie de liberté. C’est un texte qui bouscule.

Farrukh est une fille, une Bach Posh, c’est une fille élevée comme des fils dans les familles afghanes qui n’en ont pas. Jusqu’à la puberté, elle vit comme un garçon. Farrukh étudie donc, fait du sport, sort seule dans la rue, parle en tête à tête avec son père, lit de la littérature. Pour tout le monde, elle est un garçon (y compris sa famille, ses soeurs la traitent comme un garçon). Si elle est découvert, c’est le déshonneur pour sa famille. Farrukh est passionné d’aviron, elle est d’ailleurs le barreur d’un aviron à 8. Elle les entraîne et les encourage à participer à des sélections, son rêve est d’aller aux Jeux Olympiques, son rêve est de faire parler de l’Afghanistan pour autre chose que sa politique et ses restrictions. « Séparer les rêves et la vie, c’est renoncer à changer les choses. » (p.28) Tous les jours, Farrukh rejoint ses copains, notamment Sohrab son confident. Elle les entraîne, les conseille, les observe sans jamais dévoiler sa réelle identité. Elle voit son équipe progresser, elle y croit.

« Je vis comme un garçon, je m’habille comme un garçon, je suis coiffé comme un garçon, je vais à l’école comme un garçon, je gagne de l’argent comme un garçon, je me comporte comme un garçon, je prie comme un garçon, je fréquente les garçons… – Justement, à partir d’aujourd’hui, tout ça, ce n’est plus possible. » Du jour au lendemain, elle doit reprendre son identité de femme, c’est sa soeur Aminata qui devient Bacha Posh. « A cause de ce sang, je suis relégué au statut de mes soeurs : plus le droit d’entrer seul dans le bureau de papa. Plus le droit de réclamer un tête-à-tête avec lui. Plus le doit de parler avec lui sur un pied d’égalité. Plus le droit de soutenir son regard. » Farrukh n’accepte pas ce changement de statut et entre dans la résistance. Elle continue à vivre comme un homme. Elle est contre la tradition et la servitude des femmes. Elle s’interroge sur ce qui conditionne, pourquoi la société lui impose des lois, des devoirs différents dès lors qu’elle a ses règles ? pourquoi n’a-t-elle plus le droit de parler, seule, à son père ? pourquoi ne peut-elle plus étudier ? pourquoi ne peut-elle plus faire du sport ? Ce roman évoque un sujet sensible à travers la question de l’identité et de la servitude des femmes. Il y a beaucoup de justesse dans ce roman et le combat est louable, Farrukh ne se résigne jamais à cette tradition et la fin du roman est triste tant on s’est attaché à cette jeune femme combattive.