Plusieurs mois que ce roman m’attendait, donné par ma mère qui ne m’en avait pas dit grand chose, il attendait. Il a fallu que le thème du mois soit « L’écrivain et la nature » pour que je me dise que ce titre pouvait faire partie de ce challenge. C’est mon tout premier roman de cet auteur et j’ai beaucoup aimé. Ce roman a d’ailleurs reçu le prix Femina 2020.

Nature humaine c’est un roman qui s’étend sur trente ans, il y a un côté récit d’une histoire nationale car le narrateur marque son récit par les grands événements de cette époque : l’élection de Mitterrand, la crise de la vache folle, la coupe du monde, l’éclipse de soleil, le passage à l’an 2000. Des événements que j’ai pour beaucoup vécu petite, c’est peut-être aussi cela qui m’a fait aimé ce roman. J’y ai retrouvé quelque chose de mon enfance. J’ai trouvé que c’était un mode de vie qui était décrit. Il n’y a pas les réseaux sociaux, si on ne se regroupe devant le JT de 20 heures, on a le droit d’échapper aux nouvelles. J’ai adoré cette plongée dans le monde de l’agriculture et des paysans. Il a su me donner cette envie d’aller à la campagne, dans une ferme et de regarder ce monde avec la simplicité d’un enfant. Il m’a rappelé des souvenirs d’enfance, les vacances à la campagne chez mes grands-parents qui avaient pour voisin un fermier. On passait du temps à la ferme, à aller voir veler les vaches, à jouer dans les bottes de paille l’été, à se promener dans les prés ou les champs. J’ai aimé cette nature. Mais Serge Joncour explore aussi la nature humaine. J’ai trouvé les personnages extrêmement touchant d’humanité et de simplicité.

Le personnage principal, Alexandre, vit dans le Lot. Il est le fils, seul fils, celui qui héritera de la ferme et des fermes, celui à qui on ne laisse pas d’autre choix tandis que ses soeurs se sont envolées vers Toulouse ou Paris. Il est celui qui devra (ou pas) faire entrer la ferme dans la modernité, celui qui basculera dans l’an 2000 et fera de se ferme une exploitation. Le narrateur s’interroge sur la modernité, il y questionne l’usage des engrais pour intensifier les rendements. Il rappelle les combats autour du nucléaire. On observe qu’il s’agit d’une lutte entre l’humain et la nature « Peut-être que le progrès ne valait rien de bon, comme le disait ce politique à col roulé, avec son verre de flotte pour bien montrer qu’on manquerait d’eau avant la fin du siècle et que la solution serait de se remettre tous au vélo. » (p. 32) Protéger la nature mais continuer aussi à produire, car produire c’est vivre. Alexandre est soumis au pression des premiers hyper qui lui demande toujours plus et moins cher, quitte à ne plus mettre les bêtes dans l’herbe et au soleil. Mais l’agriculture s’y refuse, les bêtes il veut leur donner un nom, il veut les avoir longtemps, les faire brouter dans les champs, boire à la rivière. C’est ce modèle qui est en péril au tournant du siècle. Mais l’espoir réside en la crise de la vache folle, les consommateurs vont-ils revenir vers une consommation de meilleure qualité ? Alexandre ne sait où se situer : entre les industriels qui le pressent, les écologistes qui prônent une agriculture raisonnée et sa famille qui souhaite des rendements financiers. A cela s’ajoute une histoire amoureux, Alexandre s’amourache de Constanze, une belle allemande, pour lui plaire il va se rapproche d’activiste anti-nucléaire. Et puis il y a aussi le conflit entre les générations, le père Jean, lui-même en opposition avec le grand-père « Jean s’en voulait de tenir tête à ses parents mais il se savait à la croisée de deux époques, de deux mondes. » (p. 95). C’est lucidité des paysans, des hommes de la terre entraîne parfois des réflexions pleins de bon sens « Bon Dieu mais aujourd’hui faut que tout voyage, les céréales, les vaches, les téléviseurs, les micro-ondés qui viennent de Hongkong, les walkmans qui sont made in Taïwan, et pendant ce temps-là on vend notre lait aux Chinois, tout ça se croise dans les airs ou sur les bateaux, c’est n’importe quoi… » (p. 256).

J’ai adoré ce roman. Au fil des pages, Serge Joncour dresse un portait de l’agriculture français au tournant du siècle, on y devine les préoccupations sur les ressources mais Serge Joncour dessine aussi le portrait d’une famille touchante. Il donne envie d’aller à la rencontre des paysans et de retourner à la ruralité et à la simplicité. C’est un roman foisonnant et doux, une très belle découverte ! ❤ ❤ ❤

2 commentaires sur « Nature humaine. Serge Joncour »

Laisser un commentaire