La fille parfaite. Nathalie Azoulai

« Pourquoi est-ce qu’ Adèle Prinker avec ses médailles, sa gloire, sa blondeur, tous les signes apparents du bonheur, pourquoi Adèle Prinker s’était-elle donc pendue chez elle un beau matin de juin à l’âge de quarante-six ans ? » Voilà le postulat de départ, intriguant, je m’attendais donc à un récit haletant et finalement j’ai trouvé le rythme lent.

Le récit est mené par l’amie restée en vie, Rachel. Dans ce récit d’une amitié fusionnelle, la relation entre Rachel et Adèle est au centre de l’histoire, elles sont à la fois contraires et complémentaires. Rachel Deville et Adèle Prinker sont deux très grandes amies mais elles choisissent après le lycée deux voies opposées : l’une fera des études de lettres et l’autre de mathématiques. Cette orientation est en grande partie déterminée par leurs familles, les Deville sont de grands bourgeois, héritiers des salons littéraires. Les Prinker sont issus d’un milieu social plus modeste et estiment que seule la science permet une ascension. J’ai trouvé que l’opposition math-lettres était surannée, ça m’a parfois dérangé et ennuyé. La narration suit donc le parcours de ces jeunes femmes, parcours professionnel et amical. J’ai aimé leur relation fusionnelle mais j’ai aimé aussi quand l’amitié est en pause, il y a des grandes périodes de silence complet entre les deux amies et puis leur relation reprend. J’aurais aimé comprendre davantage pourquoi il y a des pauses. Très vite on comprend que la relation est aussi une relation de concurrence, de compétition. Elles sont brillantes toutes les deux mais la réussite ne se manifeste pas de la même manière en littérature et en mathématiques. Adèle rêve de médailles pour ses recherches et de publication. J’ai trouvé la construction de l’histoire très confuse. On parle de leur parcours professionnel, personnel, amical… il est aussi question de suicide et de réussite. En effet le roman débute ainsi « Adèle pendue comme un homme ». Et puis il y a aussi cette opposition continuelle dans tout le récit entre les mathématiques et la littérature, le masculin et le féminin. Comme si cela pouvait avoir un lien… j’ai trouvé cela désuet. Finalement c’est Adèle qui se construit une famille, mais se tuerait-elle d’être le fils qu’elle aurait dû être ? Et pourtant « la fille parfaite », c’est elle puisqu’elle a choisit les mathématiques, les sciences, la rigueur, la précision, la certitude par opposition aux lettres plus artistique. Bref vous l’aurez compris, je ne suis guère enthousiasmé par ce roman que j’ai trouvé trop confus pour moi, pas assez linéaire et surtout la relation entre les deux protagonistes trop réduite à l’opposition math-lettres.

Par la force des arbres. Dominique Mermoux, Edouard Cortès

Voici un roman graphique qui invite à la solitude, à l’introspection et à prendre le temps en se réfugiant dans la forêt au plus de la nature. J’ai beaucoup aimé ce récit et les illustrations. Dans la force de l’âge, un homme se sent pourtant perdu, pas à sa place dans la civilisation. Il a besoin de silence. Il a besoin de s’éloigner du monde. Il a besoin de renaître. « J’entreprends une métamorphose à l’ombre des forêts. Je veux voir à hauteur d’arbre. » Plusieurs fois il évoque l’idée d’une dépression, d’une déprime, d’un énorme vague à l’âme. Au lieu de sombrer, il décide de s’élever : cette expérience est une manière de guérir ou d’essayer d’aller de l’avant, s’offrir du temps là où la vie nous fait souvent courir après.

Cet homme va alors choisir un arbre, un vieux chêne robuste. Il y construit une cabane avec le nécessaire pour y vivre plusieurs mois. En mars, il s’installe. Tous les dimanches, sa femme et ses enfants le rejoignent. Il partage ses découvertes mais le récit n’est pas là-dessus, pas non plus sur la manière dont il vit. On comprend qu’il vit simplement en partie des éléments que lui offre la forêt (les glands, notamment, des champignons, quelques pousses aussi) mais il avait pris des réserves. Le récit se centre sur sa reconstruction qui passe avant tout par une observation. Sa cabane lui permet de voir toute la vie de la forêt, d’observer et d’écouter les différentes espèces. Ce récit autobiographique, c’est l’expérience qu’a mené Edouard Cortès pour retrouver de l’air dans un quotidien trop étouffant. Cette vie est un échappatoire aux turbulences de la vie d’en bas, une manière d’échapper aux sollicitations et de se retrouver afin de mieux avancer ensuite. Il observe et contemple la manière. J’ai beaucoup aimé le mélange entre les remarques sur la nature, sur la vie dans un arbre et les différentes réflexions sur la nature humaine.

Il faut savoir laisser tomber quelques branches afin de pouvoir continuer à pousser. Par la force des arbres est un récit introspectif qui invite à une parenthèse. Prendre contact avec la nature lui permet d’en ressortir revigoré. Cet retour à la nature est aussi un lien avec son enfance, celle des premiers jeux et des premières découvertes dans la nature. J’ai trouvé très harmonieux le récit et les aquarelles de Dominique Mermoux mettent grandement en valeur la nature resplendissante. Une petite bulle d’oxygène et un roman graphique à lire pour tous les amoureux de la nature.

« Le chêne m’indique une autre voie. L’accès à la lumière se fait de sacrifice.Abandonner un peu de soi, laisser mourir certaines branches pour avancer. »

La ferme des animaux. George Orwell

Quelle bonne idée de relire ce court roman de George Orwell. Je n’en avais qu’un souvenir vague, l’intrigue. J’avais oublié (ou pas vu à l’époque) la démonstration magistrale d’Orwell. Satire si implacable que ce roman écrit en 1943 ne pourra être publié qu’en 1945 (et encore en URSS il restera interdit). En mettant en scène des animaux dans une ferme, George Orwell dénonce le régime totalitarisme de Joseph Staline mais plus largement toute forme d’oppression. George Orwell place son intrigue dans la ferme anglaise de M. Jones. Les animaux se révoltent un peu par hasard contre les hommes. Les animaux instaurent comme principe que « tous les animaux sont égaux » et qu’ils doivent tous lutter contre la tyrannie de l’homme. Petit à petit Boule-de-neige et Napoléon, les deux cochons de la ferme, prennent les opérations en main. Ils chassent M. Jones, instaurent sept commandements et prônent un meilleur traitement qu’avec les hommes. La satire animalière est alors installée et on peut faire une double lecture de ce roman. « Mais par-dessus tout, aucun animal ne doit en asservir un autre. Que nous soyons forts ou faibles, malins ou candides, nous sommes tous frères. Nul animal n’a le droit de tuer un autre animal. Tous les animaux sont égaux. » (p.23)

Peu à peu, cependant, les cochons s’octroient des privilèges. J’ai trouvé Cafteur magistral (Brille-Babil dans d’autres traductions) qui, fort en communication, manipule les autres animaux afin de les convaincre que si les cochons mangent plus de pommes ou ont une meilleure ration de lait, c’est à cause de leur dépense énergétique pour diriger la ferme et ce n’est donc pas un avantage. Et ce pour chaque privilège que les cochons s’octroient. Mais entre les deux cochons, Napoléon et Boule-de-Neige, c’est rapidement la lutte pour le pouvoir, Napoléon parvient à prendre le dessus et à convaincre les autres animaux que Boule-de-Neige est un traître. Peu à peu les animaux sont témoins des changements et de l’appropriation progressive par les cochons de la production commune. Pour autant aucun n’ose s’exprimer. La répression est sévère. Les chiens de garde font peur. Et tous suivent comme des moutons. Ils consentent car ils n’arrivent pas à s’exprimer. L’usage de la violence est de plus en plus présente de même que la propagande qui justifie tous les changements de loi.

J’ai aimé la double lecture qu’il faut faire de cette oeuvre , le vieux cheval Boxeur (Malabar dans d’autres traductions) est touchant par sa foi dans le travail mais il est aveuglé par son dévouement pour Napoléon et la cause animale. Il s’épuise et se sacrifie. Il représente les populations soumises et passives des régimes totalitaires. Le cochon Cafteur fait évidemment référence à Goebbels le ministre de la propagande d’Hitler. J’ai beaucoup aimé la fin de l’histoire. Les conditions de vie sont aussi mauvaises qu’au départ, les inégalités sont de retour. Les animaux sont témoins de cette absence d’évolution pour leur condition, seule la condition des cochons a nettement évolué. Cette structure cyclique est très forte et montre l’absurdité de la situation mais aussi la crédulité des animaux qui a permis ce soulèvement et ce régime. C’est donc un roman apologétique qui nous invite à réfléchir sur notre monde et sur la nature humaine.

« Pour une fois, Benjamin consentit à déroger à ses principes et lui lut ce qui était écrit sur le mur. Il n’y avait plus désormais qu’un seul commandement. Il stipulait : « Tous les animaux sont égaux mais certains animaux sont plus égaux que d’autres. » (p. 132)

Les femmes n’ont pas d’histoire. Amy Jo Burns

Contrairement au bandeau annonçant un roman « époustouflant », j’ai bien aimé mais ce roman ne me laissera pas un souvenir éternel. Néanmoins à la fin de cette lecture, j’ai plein de réflexion en tête sur les secrets de famille, les non-dits et tout ce qui construit implicitement nos personnalités. Je pense que c’est un roman qui me laissera des traces de réflexion mais dont je vais rapidement oubliée une partie de l’intrigue. L’écriture est belle, elle emporte et c’est une autrice dont je suivrai les publications (c’est son premier roman).

Le roman se déroule dans la région des Appalaches, vaste chaîne de montagnes en Amérique du Nord. Dans cette région minière, la vie est difficile et rude, c’est un pays d’hommes mais des hommes déchus, les lois sont réglées par l’alcool de contrebande (le moonshine) ou la religion. Les femmes sont au second plan. Ce roman met en scène Ivy et Ruby, deux amies inséparables. Elles grandissent et vivent dans cette nature sauvage mais leur destin semble tout tracé. La narration se concentre sur Ruby, la jeune héroine. Elle a épousé un manipulateur de serpents (une croyance religieuse bien ancrée et très singulière) et essaie tant bien que mal de vivre sa vie de recluse. Entourée de quelques femmes fortes mais résignées comme sa meilleure amie Ivy, elle nous conte son désir d’émancipation, de liberté au-delà de ces montagnes hostiles jusqu’au jour où un accident arrive. L’atmosphère est pesante, il y a un étrange mélange de magie noire, de croyance et de superstitions, la vie ressemble à une damnation et la construction du récit n’aide pas à voir de la lumière. La narration alterne entre l’histoire des deux amies adultes, adolescentes et puis à un moment on suit un autre point de vue, celui de l’amoureux éconduit. Cette structure m’a déstabilisée, j’ai trouvé des passages confus voire oppressants; je me perdais dans cette narration hachée. Et pourtant la lutte de ces femmes, Ivy et Ruby, puis celle de sa fille Wren, la lutte de ses deux générations pour se créer une histoire est sûrement passionnante. Le choix narratif ne m’a pas convenu et j’ai sans doute perdu une part de l’histoire.

Malgré cette noirceur, il y a la sororité à retenir. Ivy et Ruby se soutiennent, se tiennent autant qu’elles le peuvent, animée chacune par le désir de vivre différemment « Avant cette nuit-là dans la Silverado, Ivy était convaincue que la vérité n’était pas difficile à dire. il était plus dur de vivre un mensonge, et les mensonges, c’était tout ce que connaissaient les femmes de sa montagne – comment se soumettre à leurs maris, avaler leur vomi et leur servir une deuxième part de gâteau le dimanche après-midi. Elle jurait qu’elle n’en ferait jamais partie, pas plus que Ruby. Mais désormais, le monde s’était révélé dans toute sa cruauté. Recroquevillée dans le placard de son amie, Ivy redouta que ce mensonge soit tout ce qu’il lui restait. » (p. 252)

Un goût de cannelle et d’espoir. Sarah McCoy

Je crois qu’il s’agit d’un des premiers romans publiés en français de Sarah McCoy, la parution date de 2014. Un goût de cannelle et d’espoir se déroule en partie en Allemagne à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, en partie aux Etats-Unis à El Paso en 2007. Soixante ans et un continent séparent les chapitres mais les histoires sont mêlées. J’ai eu une petite préférence pour les chapitres se déroulant en Allemagne (d’ailleurs plus nombreux). En 1944, en Allemagne les restrictions alimentaires sont nombreuses mais la pâtisserie Schmidt parvient à produire des petits pains, des roulés à la cannelle, des brötchen. Mutti, Papa et Elsie y travaillent. Elsie est une adolescente, elle a seize ans et suit les instructions patriotes de ses parents. Sa soeur, Hazel, est volontaire dans un Lebensborn et Elsie a un prétendant haut placé dans l’armée nazie, Josef, un « gentil » officier nazi. Elle n’éprouve pas grand chose pour lui mais elle sent que c’est important pour ses parents et qu’elle doit se dévouer pour la patrie. La nuit de Noël, celui-ci l’invite à une soirée nazie. Cette soirée va changer à jamais le cours de la vie d’Elsie. Elle entend un jeune chanteur juif, un garçon qu’on a sorti du camp pour cette nuit afin qu’il chante pour les nazis, un garçon à la voix d’or. Quelques heures plus tard le jeune garçon frappe à sa porte, alors qu’il devait être reconduit au camp il est parvenu à s’échapper… je n’arrête pas pour ne rien ne dévoiler de plus et ne pas expliquer les circonstances de cette rencontre. A partir de là, Elsie va devoir faire des choix, sa patrie et les règles nazies ou cet enfant…

Près de la frontière mexicaine, à El Paso, la journaliste Reba Adams doit rédiger un reportage sur les façons de fêter Noël dans le monde. Face à la vitrine chaleureuse d’une pâtisserie allemande, elle entre, c’est celle d’Elsie qui soixante ans plus tard, cuit toujours ses brötchen et ses forêts-noires. Au fur et à mesure des rencontres et des confidences, on découvre la vie d’Elsie, son parcours. Reba Adams ne fera pas seulement un reportage, elle recevra une leçon de vie et découvrira une amitié forte. Reba, celle qui n’ose aimer par peur de souffrir, apprendra à se livrer et à s’engager. J’ai trouvé parfois un peu long les atermoiements de Reba face à ses choix de vie, la partie « américaine » est un peu ennuyante et j’étais contente quand les chapitres sur Elsie reprenait.

Malgré ce léger bémol, j’ai beaucoup aimé cette histoire, le passé revient hanter le présent mais il permet aussi de se construire et d’apprendre. Les héroïnes (c’est un roman très féminin) sont attachantes et malgré la noirceur de 1944 il y a cette douceur de la cannelle et cet espoir. « Personne n’est mauvais ou bon par naissance, nationalité ou religion. Au fond de nous, nous sommes tous maîtres et esclaves, riches et pauvres, parfaits et imparfaits. » (p. 434) J’ai trouvé ce roman très agréable à lire, les personnages ne sont pas dans la caricature même Josef, le prétendant nazi se questionne et s’interroge sur sa fidélité et la confiance qu’il a en sa patrie. C’est un roman qui parle de choix, d’entraide et de solidarité, d’amour et d’amitié.

Mars 2024

le tunnel de la semaine / encore des lectures hivernales / la pluie, sans cesse…. / sortir un dimanche soir / un lundi au soleil / « le français c’est énervant mais ça se retient bien » mon grand au dîner / de pluie, beaucoup de pluie / mercredi marathon : ophtalmo, bibliothèque, tennis, devoirs, copies des élèves, repas et goûter maison, lessive et ménage rapide, VTT et dodo 😉 / afficher le travail des élèves pour les Journées Portes Ouvertes / mes 4e qui restent papoter jusqu’à 20h / des parents sympa / un samedi au sec ! / passer deux heures les mains dans la terre / journée au Mont Valérien avec les 3e / en voir certains malheureux et abasourdis, et d’autres qui rient, insouciants / vendredi soir orage / lire un peu… / le magnolia déjà en fleurs / préparer les goûters maison au moins deux fois dans la semaine / gâteau yaourt-amandes / des belles journées printanières / jardiner un peu / déplacer les pots et les jardinières / voir l’azalée qui pointe / lire peu / « quand je serais ado, je miserais tout sur mon look » ❤ / mon fils et ses phrases magiques / des copies déprimantes / les échafaudages qui grimpent / ma vue qui se réduit / sauver les plantes que je peu / penser aux vacances / un lundi sous la pluie / le poids mort de l’équipe de lettres / des perspectives peu réjouissantes / faire des madeleines / « maman tu travailles tous les jours ? même le week-end… tu peux pas leur dire? / rêver de travaux / sentir qu’on n’a pas trop assuré pour son anniv / des livres et un compteur pour son vélo / 11 ans déjà / le voir grandir et devenir lui ❤ ❤ ❤ / regarder Charlie et la Chocolaterie tous les quatre ❤ / le temps d’un week-end / La femme rompue de Simone de Beauvoir… être subjuguée par l’écriture et l’analyse psychologique de ce drame / un week-end normand au soleil / des cousins, un jardin, un manoir, des bougies / soirée jeux de société / une dernière courte semaine / des tensions au collège / passer des journées en réunion / vider notre étage / commander plein de plantes pour pouvoir jardiner pendant les vacances !

La femme rompue. Simone de Beauvoir

J’ai eu beaucoup de plaisir à retrouver l’écriture de Simone de Beauvoir que j’aime énormément. Il s’agit ici d’un recueil de trois nouvelles.

La première nouvelle intitulée L’âge de discrétion a pour personnage central une femme, une intellectuelle d’une soixantaine d’année. Alors qu’elle paraît sûre d’elle et de ses convictions, on sent au fur et à mesure qu’elle rencontre des difficultés familiale et professionnelle. On comprend peu à peu qu’elle a des problèmes de communication et qu’elle se sent trahie par son fils, elle se sent isolée car elle n’arrive pas plus à échanger avec son mari. Elle remet en question son parcours et ses choix « Et pourquoi me suis-je acharnée à faire de Philippe un intellectuel alors qu’André l’aurait laissé s’engager dans d’autres chemins ? Enfant, adolescente, les livres m’ont sauvée du désespoir ; cela m’a persuadée que la culture est la plus haute des valeurs et je n’arrive pas à considérer cette conviction d’un oeil critique. » (p. 20) « Quel vide en moi, autour de moi. Inutile. » (p. 63)

Le deuxième récit s’appelle Monologue et il s’agit en effet du monologue d’une femme, du monologue intérieur. C’est un récit difficile à lire car la ponctuation n’est toujours présente et il y a très peu de virgule, quelques points mais du coup le rythme est haletant et un peu étouffant. Elle pense, elle enchaîne les idées, les remarques, les phrases… Elle est enragée et exprime sa colère et son impuissante face à la société, à sa famille, à sa vie. « Mais il y a ce bruit dehors. Et ils ricanent dans ma tête : « Elle est toute seule ». Quelle haine ! Lucide trop lucide. Ils n’aiment pas qu’on voie clair en eux; moi je suis vraie je ne joue pas le jeu j’arrache les masques. Il ne me le pardonnent pas. » (p. 97)

La dernière nouvelle, celle qui donne son titre au recueil, La femme rompue, est très belle. Elle a la forme d’un journal, celui de Monique, l’épouse de Maurice. Elle fait face à l’aveu de Maurice « Oui, Monique, il y a une femme dans ma vie. » Tandis que Maurice ne voit pas trop le problème, avoir une femme et une relation amoureuse avec une collègue, Monique, au départ, se dit que c’est une passade, qu’il lui reviendra si elle lui laisse cette liberté. Elle est une femme au foyer disponible et une épouse idéale, sa vie est centrée autour de son mari. Elle essaie de faire preuve de compréhension. Au fur et à mesure du journal, on voit à travers les mots de Monique que son esprit est torturé, qu’elle se pose mille et une questions et surtout qu’elle se sent de plus en plus coupable et responsable « C’est moi qui me déconsidère à ses yeux. » (p. 180). J’ai trouvé ça poignant, observer sa chute et voir que Maurice reste totalement inconscient et insensible, qu’il la brusque même lorsqu’elle s’inquiète ou pose des questions. C’est un texte fort. Les descriptions sont infimes, tout passe par le point de vue interne et ce faux journal de bord de Monique.

Dans ces trois nouvelles, le constat est amer. C’est la voix de femmes qui souffrent que nous fait entendre Simone de Beauvoir. J’ai trouvé ces textes très modernes dans leur propos et leur tonalité, les voix de ces femmes entrant dans l’âge mûr qui se questionnent et souffrent sont rapportées avec beaucoup de délicatesse et d’humanité.

Mémoires de la forêt. Mickaël Brun-Arnaud

Il va m’être dur de parler de ce roman que j’ai adoré. Offert à mon fils, ma mère m’a conseillé de le lire avant car elle ne réalisait pas vraiment si cela lui était adapté et s’il était assez mature pour le lire. Je l’ai lu avec beaucoup de plaisir et je le recommande aux adultes et aux jeunes adolescents ! C’est un roman subtil qui évoque avec délicatesse la maladie d’Alzhmeir et plus largement la vieillesse et la mémoire.

Dans la forêt de Bellécorce, vit Archibald Renard. C’est le libraire. Chaque animal vient déposer son livre. Chaque livre est unique. Le jour où Ferdinand Taupe entre au ceux du chêne de Renard va changer le cours de la vie d’Archibald. Ferdinand Taupe cherche un ouvrage, celui qu’il a écrit. Il le cherche car ses souvenirs fuient. Il en a besoin afin de se rappeler des choses qu’il a faite, des gens qu’il a aimés. Malheureusement Archilbald a vendu cet ouvrage et il ne se souvient plus à qui. Ferdinand Taupe lui explique alors l’importance de ces mémoires : « J’ai retrouvé chez moi un papier qui mentionnait un rendez-vous avec le docteur Hibou auquel je ne me souviens pas m’être rendu, et c’est la maladie de l’Oublie-Tout, celle qui vient et qui prend tout, des souvenirs les plus flous aux baisers les plus doux. » (p. 35). C’est alors qu’aidés de vieilles photographies et de bribes de souvenirs, Archibald et Ferdinand vont prendre les chemins forestiers pour essayer de retrouver l’histoire de Ferdinand et surtout savoir ce qui est arrivé à Maude, l’épouse de Ferdinand Taupe. Ce périple est donc aussi une enquête, ils vont alors échanger avec Pétunia Marmotte dans son salon de thé, ils assisteront au concert de Duchêne le Hibou, puis ils rencontreront le postier Brisevent la mésange et feront une longue halte chez Elisabeth la Poule à La retraite des Plumes d’Elisabeth. Chaque animal est touchant, ils ont tous connus Maude et chacun contribue à la quête du vieil animal. Petit à petit Archibald et Ferdinand vont apprendre ce qu’il s’est passé plusieurs années auparavant.

La manière dont Mickaël Brun-Arnaud raconte cela est très touchante, il n’y a rien de dramatique dans ce récit, au contraire c’est subtil et doux, l’histoire est pleine de charme et de tendresse. On comprend la perte de repères qu’entraîne la perte de la mémoire mais aussi le sentiment d’angoisse qui en découle. Il raconte le décalage entre les temporalités de cette petite Taupe qui passe du présent au passé. La petite Taupe est accompagnée de son ami le libraire permet aussi à l’auteur d’évoquer l’impact sur l’entourage. « Accompagner quelqu’un atteint de la maladie de l’Oublie-Tout, c’est accepterd’apprendre à prendre le temps; celui de laisser faire même quand ‘l’autre échoue, prendre le temps de tout dire et montrer pour ne jamais surprendre, prendre le temps d’expliquer sans jamais poser des questions auxquelles l’animal malade ne saurait répondre. » (p. 288) A de nombreuses reprises Archilbald Renard est déstabilisé par les questions ou l’agressivité de Ferdinand, et puis peu à peu il arrive à mieux gérer les émotions de son compagnon et à la fois à l’entourer et à l’accompagner dans ses questionnements. C’est un roman qui aborde avec beaucoup de bienveillance la question de la maladie mais aussi l’amitié. J’ai trouvé ce roman très émouvant et j’ai versé quelques larmes notamment sur ces pages : « Quand on accompagne son papa atteint de la maladie de l’Oublie-Tout […] ça veut dire qu’on accepte de perdre ce qu’il représentait pour nous, c’est perdre beaucoup : l’histoire qui rassure avant de s’endormir, le baiser sur l’écorchure après la chute, la promesse que tout ira pour le mieux. » :>

Mon fils aîné ne l’a pas encore lu (le petit attendra quelques années), en revanche (c’était un cadeau commun à Noël) il m’a demandé si je pensais qu’il pourrait le lire, je lui ai donc déjà expliqué le sujet et on a parlé de la maladie de la mémoire et de la perte de la mémoire plus généralement quand on vieillit. Il est intrigué. Il lira bientôt le roman, j’ai hâte d’avoir cet échange avec lui :>

Le dernier Lapon. Olivier Truc

Ce sera ma dernière lecture de l’année sur le thème de la Laponie, avec ce roman noir, je clôture ma période de lecture hivernale. J’ai adoré m’immerger dans la Laponie et les lectures scandinaves, moi qui ne connaissais rien à la culture Sami, j’ai appris plein de choses et j’ai aimé recroiser les informations dans tous les romans que j’ai lus.

Le dernier Lapon se déroule en Laponie dans le milieu des éleveurs de rennes. A Kautokeino, Klemet, Lapon d’origine, est enquêteur à la police des rennes, sa mission est de s’occuper des conflits entre les éleveurs. Mais en ce début janvier, alors que le soleil va réapparaître pour la première fois, sa mission va, malgré lui, avoir un rôle plus important: « Aucun ne détournait le regard de l’horizon. la lueur magnifique se reflétait de plus en plus ardemment sur quelques rares nuages qui reposaient mollement au loin. Nina était saisie. Elle regarda sa montre. 11h13. On voyait maintenant nettement un halo vibrionnant troubler le point d’horizon que chacun fixait. » (p. 51)

Quelques jours auparavant un tambour traditionnel a été volé alors qu’il venait d’être renvoyé depuis la France pour être rendu au peuple sami et exposé dans un centre culturel. Le tout à quelques jours d’une conférence de l’ONU en Finlande sur les derniers peuples autochtones de l’Europe. Les soupçons portent immédiatement sur les indépendantistes sami. A cela s’ajoute un crime atroce, un éleveur de rennes est retrouvé mort, les oreilles coupés. Dans un monde si silencieux et tranquille, en apparence, Klemet, accompagnée de sa jeune collègue Nina, vont devoir réveiller les conflits, des colères et les mystères enterrés depuis des décennies.

L’enquête est déroutante. Plus les enquêteurs avancent, plus ils constatent qu’ils dérangent. Il ne faut créer aucun scandale alors que tous les yeux sont tournés vers la Laponie et il serait bien mieux qu’ils reprennent leurs tournées en motoneige plutôt que de soulever des vieilles querelles. J’ai beaucoup aimé ce roman qui mêle donc intrigue policière et culture, le rôle des tambours qui servaient au chaman est expliqué. On découvre ce patrimoine. Et puis il est aussi question de géologie, d’explorations de minerais car le sous-sol de la Laponie est riche. On découvre l’enjeu économique qui vient s’opposer à la préservation du territoire et des peuples autochtones.

J’ai adoré la plongée dans ce monde de traditions et de croyances du Grand Nord. Olivier Truc signe un polar passionnant, sombre mais très humain. Les personnages sont dures mais finalement on s’attache à eux. L’ambiance est pesante et parfois oppressante dans cette nature sauvage et glaçante.

« Dès qu’ils sortirent de la ville, la toundra reprit ses droits. le soleil brillait, sans les nuages de la veille. La réverbération était intense partout où l’on portait les yeux, sautant de colline en colline. La Laponie offrait un visage scintillant, à perte de vue. Ainsi entrevue, la Laponie semblait immense. » (p. 302)

Février 2024

comme par une grève / découragement et écoeurement / conseil péda du vendredi soir / au resto avec les collègues pour se réconforter / samedi matin au collège / l’impression d’y passer ma vie / rentrer / mes fils qui m’offrent des fleurs / mettre de la couleur dans ces jours ternes / penser fort aux vacances / un dimanche entre amis / lire pour oublier les copies qui s’entassent / Sermilik ❤ / commencer les valises / me transformer en dragon face à leur bêtise / bibliothèque du mercredi matin / commencer Croc-Blanc avec eux / préparer la valise / compter les heures qui me séparent du dépaysement / choisir les livres pour nous accompagner dans cette folle aventure / décoller / voir la neige à travers les nuages / les routes verglacées / s’enfoncer vers la Laponie profonde / s’éloigner de toute trace humaine / arriver à la « base » après 4 heures de route dans des paysages somptueux / – 32 degrés / journée trappeur / observer les traces / passer sur un lac gelé / observer les oiseaux / raquette aux pieds / cache-cou et bonnet bien enfoncé, marcher des heures / allumer le feu dans la neige / les enfants qui prélèvent les écorces de bouleau, qui taillent le petit bois / vivre une vie d’aventurier ❤ / admirer ce blanc / sauna du soir / partir les Thermos pleine d’eau bouillante / journée randonnée / faire de la luge dans les descentes / marcher et admirer / ne pas se lasser des paysages / tomber dans la poudreuse / les bivouacs du midi / couper le bois, lancer le feu, faire réchauffer le déjeuner / reprendre la marche / écouter le silence et le crissement de la neige / les enfants qui adorent / sauna puis s’immerger dans le lac gelé / – 27 degrés / il neige / traverser les lacs gelés / se sentir exploratrice / tirer la pulka au milieu de la poudreuse / « c’est trop beau » / les entendre vingt fois par jour dire « c’est fou » ou « wahou » ou « c’est trop belle » / suivre la rivière gelée en cani-rando / rire lors des bivouacs / marcher des kilomètres entourés de silence et de blanc / le cocktail Lakka du soir / croiser des rennes / les voir s’approcher de nous / la saint-Valentin dans la poudreuse / ouvrir ma surprise avec des gants ❤ / observer le soleil se coucher / – 25 degrés… et ne jamais avoir eu la sensation de froid / journée musher / être un peu stressée d’avoir mon traîneau et 6 chiens à gérer / sensation incroyable de plénitude / avoir du mal à retenir le traîneau à l’arrêt / sillonner la taïga sur mon traîneau, mon fils au chaud ❤ / l’entendre s’enthousiasmer des paysages / dernier bivouac avec tous les chiens / un brownie au feu de bois pour tes 8 ans / savourer ces derniers moments / les voir musher / regarder ces paysages / savourer ce silence / la taïga finlandaise aura tenu toutes ses promesses / dernier dîner … et la guide qui t’a fait un gâteau d’anniversaire / te voir les larmes aux yeux… et pleurer lorsqu’elle t’offre un petit cadeau / ton émotion si belle / ice-bar du vendredi / tempête de neige pour le dernier soir / la route, enneigée, blanche, belle / avoir l’avion à quelques secondes près / mon petit qui pleure en partant « je n’ai pas trop envie de rentrer »… moi non plus, j’étais tellement bien / avoir conscience de la magie de ces vacances / une expérience incroyable / retourner à la civilisation / se réadapter à la chaleur / les lessives qui attendent… / journée bricolage pour aménager la chambre de mon grand / celui qui retourne travailler / 7 matinées boulot pour moi, 7 après-midi pour eux et avec eux / piscine / tennis / fermer les yeux et repenser à ces paysages incroyables / samedi midi au resto / finir les vacances avec encore des copies / ne pas parvenir à avoir rattraper le retard accumulé / lire Croc-Blanc / fêter ton anniversaire / dimanche pluvieux avec des sourires / souffler tes 8 bougies entouré ❤ / ton gâteau « château » au chocolat et une tarte aux poires pour les gourmands / préparer mon cartable sans grande envie / raconter les vacances / rester en Laponie dans mes lectures / pluie, migraine et rentrée… / les copies toujours pas achevées… / les derniers jours d’hiver